Eglises d'Asie, 19 septembre 2011 - L’Eglise catholique à Hongkong, par la voix de son Bureau catholique pour l’éducation, a dénoncé avec fermeté les limites et les manquements du projet gouvernemental visant à introduire des leçons de morale à l’école. Le 31 août dernier, dans les derniers jours de la période de consultation ouverte à ce sujet par le Bureau pour l’éducation du gouvernement de Hongkong, l’Eglise catholique, après une consultation menée par ses propres moyens, ...
... souligne que le projet gouvernemental vise à produire un enseignement moral et patriotique étroitement nationaliste, là où il devrait ouvrir les élèves à l’importance de la vie, la recherche de la beauté, de la vérité et de l’amour.
La mise en place d’un enseignement de morale à l’école s’appuie sur un texte de 2002, année de publication du Fundamental Education Curriculum, qui stipule que l’école ne doit pas imposer aux élèves l’apprentissage d’un « sentiment national » mais les amener à développer par eux-mêmes un « amour naturel pour la patrie ». C’est toutefois le 13 mai dernier que le Bureau pour l’éducation du gouvernement de Hongkong a rendu publique, pour l’ouvrir à consultation, une proposition centrée sur l’« identité nationale ». Selon le Bureau catholique pour l’éducation, les autorités, en agissant ainsi, s’éloignent de l’objectif fixé par le document de 2002 et privilégient l’attachement des enfants au Parti et au gouvernement plutôt qu’à la patrie.
Le texte gouvernemental suggère ainsi qu’un bon citoyen doit témoigner de son amour pour la patrie en soutenant sans réserve la politique et les engagements de son pays. Pour l’Eglise catholique, une telle conception de la citoyenneté est manifestement trop étroite, l’identité d’une personne ou d’un citoyen allant bien au-delà de son simple attachement à la patrie.
Plus précisément, si elle ne remet pas en question le fait que l’amour de la patrie est une valeur devant être enseignée à tout élève, l’Eglise ajoute que chaque habitant de Hongkong est aussi un citoyen du monde et que l’apprentissage du patriotisme n’est pas une fin en soi mais doit ouvrir sur un horizon plus large et universel. Ainsi, écrivent les responsables du Bureau catholique pour l’éducation, la citoyenneté ne suffit pas à définir l’identité d’une personne ; celle-ci s’inscrit dans un cadre plus vaste où le rôle de l’école et de l’éducation est d’amener chaque enfant à comprendre le sens de la vie et l’importance de la transcendance qui amène à la recherche de l’amour, de la vérité et du beau. Pour l’Eglise, ce sont là des valeurs fondamentales sans lesquelles il est vain de réfléchir à un enseignement du patriotisme.
Concrètement, la réponse de l’Eglise à la consultation publique indique que le projet gouvernemental place en premier le bien de l’Etat et du gouvernement et en second celui des citoyens, là où, au contraire, il serait nécessaire de faire comprendre que l’Etat et le gouvernement n’existent que pour le bien-être des citoyens. Elle souligne encore que chaque personne vit au sein d’un certain nombre de sphères : son entourage immédiat, sa communauté, la société, le pays et enfin le monde ; les jeunes d’aujourd’hui devraient comprendre l’importance de chacune de ces sphères, sans mettre au pinacle la sphère patriotique. En résumé, là où l’Etat cherche à promouvoir une éducation morale et patriotique, l’Eglise voudrait une instruction civique et morale.
La réponse de l’Eglise à la consultation publique vise également à démentir un point qui, selon elle, est suggéré dans le projet du gouvernement selon lequel les Hongkongais ne témoigneraient pas suffisamment de patriotisme, ou plutôt d’amour de la mère-patrie, c’est-à-dire la Chine continentale. Or, indique le Bureau catholique pour l’éducation, loin de se désintéresser du continent, les habitants de Hongkong ont, à travers l’histoire, toujours fait preuve de leur amour pour leur pays. Même sous le drapeau britannique (la rétrocession de Hongkong à la Chine remonte au 1er juillet 1997), les Hongkongais ont toujours veillé à aider leurs communautés d’origine, dans les villes et les villages du continent, en y envoyant des fonds et différentes aides. L’accueil des réfugiés venus de Chine dès les années 1950 est encore un autre exemple du souci que Hongkong a montré envers le continent.
Sur la forme, la mise en place du programme d’éducation civique par le gouvernement approchant à grands pas, le Bureau catholique pour l’éducation rappelle que Hongkong est toujours une « Région administrative spéciale » de la Chine et qu’à ce titre, l’introduction d’un enseignement de la morale à l’école devrait se faire selon la règle « Un pays, deux systèmes », qui permet d’éviter la transposition sans adaptation à Hongkong de ce qui se fait en Chine continentale. Or, souligne Francis Chan Nai-kwok, coordinateur de l’Eglise catholique pour la consultation sur le projet gouvernemental, le temps va manquer d’ici à 2012, date de l’introduction prévue du nouvel enseignement dans les programmes scolaires. Tout semble concourir pour reproduire ce qui a été fait à Macao, où sous prétexte de manque de temps l’éducation patriotique qui a cours dans les écoles du continent a été transplantée directement dans les établissements de l’ancienne colonie portugaise.
Déjà, ajoute Francis Chan, le document du Bureau pour l’éducation du gouvernement de Hongkong met l’accent sur les glorieuses réalisations de l’Etat chinois sans aucunement évoquer les faces sombres de celles-ci. Comment susciter le développement d’un patriotisme vrai chez les citoyens sans proposer une perspective nuancée de la réalité du pays ?, interroge le responsable catholique (1). « Il ne serait pas mauvais que les élèves apprennent à formuler des questions telles que : ‘le développement amène-t-il à la promotion de la dignité humaine, à une répartition plus juste des richesses ou bien encore à une véritable attention des plus faibles ?’ », propose encore Francis Chan, ajoutant que « les enseignants devraient avoir ce type de questions en tête lorsqu’ils feront travailler leurs élèves sur ce qui se passe en Chine ».
Reste enfin à préciser si ce nouvel enseignement aura le statut d’une matière à part entière ou sera incorporé à d’autres disciplines déjà enseignées. Au début des années 1990, la question avait été posée et – signe à l’époque d’une difficulté à définir le contenu du terme « amour de la patrie » – le gouvernement britannique avait tranché en incluant cet enseignement dans d’autres disciplines. Aujourd’hui, poursuit Francis Chan, le gouvernement de Hongkong souhaite en faire un enseignement obligatoire et une discipline propre, mais demeure toujours le problème du contenu à donner au dit enseignement.
(1) Sunday Examiner, 11 septembre 2011.
(Source: Eglises d'Asie, 19 septembre 2011)
... souligne que le projet gouvernemental vise à produire un enseignement moral et patriotique étroitement nationaliste, là où il devrait ouvrir les élèves à l’importance de la vie, la recherche de la beauté, de la vérité et de l’amour.
La mise en place d’un enseignement de morale à l’école s’appuie sur un texte de 2002, année de publication du Fundamental Education Curriculum, qui stipule que l’école ne doit pas imposer aux élèves l’apprentissage d’un « sentiment national » mais les amener à développer par eux-mêmes un « amour naturel pour la patrie ». C’est toutefois le 13 mai dernier que le Bureau pour l’éducation du gouvernement de Hongkong a rendu publique, pour l’ouvrir à consultation, une proposition centrée sur l’« identité nationale ». Selon le Bureau catholique pour l’éducation, les autorités, en agissant ainsi, s’éloignent de l’objectif fixé par le document de 2002 et privilégient l’attachement des enfants au Parti et au gouvernement plutôt qu’à la patrie.
Le texte gouvernemental suggère ainsi qu’un bon citoyen doit témoigner de son amour pour la patrie en soutenant sans réserve la politique et les engagements de son pays. Pour l’Eglise catholique, une telle conception de la citoyenneté est manifestement trop étroite, l’identité d’une personne ou d’un citoyen allant bien au-delà de son simple attachement à la patrie.
Plus précisément, si elle ne remet pas en question le fait que l’amour de la patrie est une valeur devant être enseignée à tout élève, l’Eglise ajoute que chaque habitant de Hongkong est aussi un citoyen du monde et que l’apprentissage du patriotisme n’est pas une fin en soi mais doit ouvrir sur un horizon plus large et universel. Ainsi, écrivent les responsables du Bureau catholique pour l’éducation, la citoyenneté ne suffit pas à définir l’identité d’une personne ; celle-ci s’inscrit dans un cadre plus vaste où le rôle de l’école et de l’éducation est d’amener chaque enfant à comprendre le sens de la vie et l’importance de la transcendance qui amène à la recherche de l’amour, de la vérité et du beau. Pour l’Eglise, ce sont là des valeurs fondamentales sans lesquelles il est vain de réfléchir à un enseignement du patriotisme.
Concrètement, la réponse de l’Eglise à la consultation publique indique que le projet gouvernemental place en premier le bien de l’Etat et du gouvernement et en second celui des citoyens, là où, au contraire, il serait nécessaire de faire comprendre que l’Etat et le gouvernement n’existent que pour le bien-être des citoyens. Elle souligne encore que chaque personne vit au sein d’un certain nombre de sphères : son entourage immédiat, sa communauté, la société, le pays et enfin le monde ; les jeunes d’aujourd’hui devraient comprendre l’importance de chacune de ces sphères, sans mettre au pinacle la sphère patriotique. En résumé, là où l’Etat cherche à promouvoir une éducation morale et patriotique, l’Eglise voudrait une instruction civique et morale.
La réponse de l’Eglise à la consultation publique vise également à démentir un point qui, selon elle, est suggéré dans le projet du gouvernement selon lequel les Hongkongais ne témoigneraient pas suffisamment de patriotisme, ou plutôt d’amour de la mère-patrie, c’est-à-dire la Chine continentale. Or, indique le Bureau catholique pour l’éducation, loin de se désintéresser du continent, les habitants de Hongkong ont, à travers l’histoire, toujours fait preuve de leur amour pour leur pays. Même sous le drapeau britannique (la rétrocession de Hongkong à la Chine remonte au 1er juillet 1997), les Hongkongais ont toujours veillé à aider leurs communautés d’origine, dans les villes et les villages du continent, en y envoyant des fonds et différentes aides. L’accueil des réfugiés venus de Chine dès les années 1950 est encore un autre exemple du souci que Hongkong a montré envers le continent.
Sur la forme, la mise en place du programme d’éducation civique par le gouvernement approchant à grands pas, le Bureau catholique pour l’éducation rappelle que Hongkong est toujours une « Région administrative spéciale » de la Chine et qu’à ce titre, l’introduction d’un enseignement de la morale à l’école devrait se faire selon la règle « Un pays, deux systèmes », qui permet d’éviter la transposition sans adaptation à Hongkong de ce qui se fait en Chine continentale. Or, souligne Francis Chan Nai-kwok, coordinateur de l’Eglise catholique pour la consultation sur le projet gouvernemental, le temps va manquer d’ici à 2012, date de l’introduction prévue du nouvel enseignement dans les programmes scolaires. Tout semble concourir pour reproduire ce qui a été fait à Macao, où sous prétexte de manque de temps l’éducation patriotique qui a cours dans les écoles du continent a été transplantée directement dans les établissements de l’ancienne colonie portugaise.
Déjà, ajoute Francis Chan, le document du Bureau pour l’éducation du gouvernement de Hongkong met l’accent sur les glorieuses réalisations de l’Etat chinois sans aucunement évoquer les faces sombres de celles-ci. Comment susciter le développement d’un patriotisme vrai chez les citoyens sans proposer une perspective nuancée de la réalité du pays ?, interroge le responsable catholique (1). « Il ne serait pas mauvais que les élèves apprennent à formuler des questions telles que : ‘le développement amène-t-il à la promotion de la dignité humaine, à une répartition plus juste des richesses ou bien encore à une véritable attention des plus faibles ?’ », propose encore Francis Chan, ajoutant que « les enseignants devraient avoir ce type de questions en tête lorsqu’ils feront travailler leurs élèves sur ce qui se passe en Chine ».
Reste enfin à préciser si ce nouvel enseignement aura le statut d’une matière à part entière ou sera incorporé à d’autres disciplines déjà enseignées. Au début des années 1990, la question avait été posée et – signe à l’époque d’une difficulté à définir le contenu du terme « amour de la patrie » – le gouvernement britannique avait tranché en incluant cet enseignement dans d’autres disciplines. Aujourd’hui, poursuit Francis Chan, le gouvernement de Hongkong souhaite en faire un enseignement obligatoire et une discipline propre, mais demeure toujours le problème du contenu à donner au dit enseignement.
(1) Sunday Examiner, 11 septembre 2011.
(Source: Eglises d'Asie, 19 septembre 2011)