Tandis que la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton effectue une visite historique dans le pays, l’archevêque catholique de Rangoun, Mgr Charles Bo, indique que les changements initiés depuis quelques mois par le pouvoir en place sont « très significatifs » mais ajoute que le gouvernement présidé par Thein Sein doit aller plus loin pour convaincre les Birmans et l’opinion internationale que...

... « les réformes démocratiques » sont réelles et durables. L’évêque, qui est aussi secrétaire général de la Conférence épiscopale de Birmanie, veut voir comme une priorité immédiate l’arrêt des combats, notamment dans l’Etat Kachin, et comme priorités à plus long terme l’éducation et une véritable liberté religieuse.

A la veille de l’arrivée de Hillary Clinton à Rangoun (après avoir atterri à Nyapyidaw le 30 novembre en fin de journée, la secrétaire d’Etat a passé la journée du 1er décembre dans la capitale politique du pays et devait se rendre à Rangoun le 2 décembre pour y rencontrer Aung San Suu Kyi), Mgr Charles Bo estime que la simple présence de la secrétaire d’Etat américaine en Birmanie suffit à montrer l’ampleur des changements qui se sont produits dans le pays. Il ajoute que le chemin à parcourir vers un système véritablement démocratique demeure « substantiel ».

« Afin de prouver sa sincérité sur la voie des réformes démocratiques, le gouvernement doit libérer les prisonniers politiques qui sont encore derrière les barreaux », explique l’évêque dans un entretien à l’agence Ucanews (1). En Birmanie, tous attendent que ces libérations se fassent avant les élections législatives partielles qui devraient avoir lieu au début de l’année prochaine. Au-delà, l’Eglise souhaite pouvoir accéder aux zones de conflit dans le pays pour y apporter une aide humanitaire aux populations victimes des combats. Mgr Charles Bo cite à ce propos l’Etat Kachin où les combats entre l’armée et la Kachin Independence Army ont fait, depuis leur reprise en juin dernier, des dizaines de milliers de déplacés (2). Des rapports d’ONG internationales font état de « crimes de guerre » commis par l’armée à l’encontre des populations kachin.

L’évêque n’a toutefois pas commenté les récents accords, signés le 19 novembre dernier, entre Nyapyidaw et certains groupes ethniques armés. Le gouvernement semble en effet avoir abandonné une des conditions préalables qu’il mettait jusqu’à récemment à l’ouverture de pourparlers avec les insurrections ethniques, à savoir la transformation des « groupes rebelles » en « gardes frontières ». De plus, le pouvoir a proposé la mise en place d’une « conférence nationale » afin de rechercher des solutions politiques aux divisions ethniques.

A l’agence Fides (3), Mgr Charles Bo a seulement précisé que l’Eglise se souvenait de la plaie que constituait pour la nation la persistance des conflits ethniques et qu’elle avait connaissance des « contacts politiques » noués par Nyapyidaw avec les insurrections armées. « Un plan de réconciliation nationale » reconnaissant les droits et les besoins des différentes communautés ethniques de Birmanie est nécessaire, a affirmé l’évêque.

Quant aux priorités à plus long terme, l’archevêque de Rangoun a estimé que si la paix était une condition au développement du pays, un effort considérable devrait être mené dans le domaine de l’éducation et de la formation. « Si nous ne parvenons pas à nous rapprocher des standards internationaux en la matière, nous n’arriverons à rien », a-t-il mis en garde, soulignant par là l’état déplorable du système éducatif national après des décennies de sous-investissement.

Mgr Charles Bo a enfin exprimé l’espoir que le gouvernement « invite les responsables religieux à travailler de concert au développement du pays ». « Nous devons tirer les leçons du passé et nous tourner vers l’avenir : aujourd’hui, l’Etat doit fournir les mêmes droits, protections et opportunités à toutes les religions. Nous avons souffert durant trop longtemps. Nombreux sont ceux qui ont perdu la vie. Nous avons le désir de contribuer au développement du pays en donnant le témoignage de notre foi chrétienne », a affirmé l’évêque, prélat d’une Eglise qui réunit un peu plus de 1 % de la population.

En Birmanie, où le bouddhisme hinayana (petit véhicule) est dominant (89 % de la population), les Eglises chrétiennes représentent environ 4 % de la population, principalement parmi les minorités ethniques, notamment les Karen, Kachin et Chin. Dans sa politique de lutte contre les insurrections ethniques armées, la junte birmane n’a pas hésité à instrumentaliser la religion à des fins politiques, suscitant des oppositions entre chrétiens et bouddhistes pour mieux affaiblir certaines rebellions armées.

(1) Ucanews, 1er décembre 2011.
(2) Voir dépêche EDA du 25 octobre 2011 : http://eglasie.mepasie.org/asie-du-sud-est/birmanie-myanmar/les-operations-de-l2019armee-birmane-en-pays-kachin-s2019intensifient-et-n2019epargnent-pas-les-civils
(3) Fides, 1er décembre 2011.

(Source: Eglises d'Asie, 1er décembre 2011)