Le Deuxième Plan d’action national sur les droits de l’homme, publié le 11 juin dernier à Pékin sous les auspices du Conseil pour les affaires d’Etat, cœur de l’exécutif chinois, ne soulève pas l’enthousiasme de divers commentateurs catholiques, que ce soit en Chine continentale ou à Hongkong. Ils soulignent que les violations des droits de l’homme ne diminuent pas.

Prenant la suite du Premier Plan (2009-2010), ce Deuxième Plan se donne un espace de temps plus large (2012-2015) et s’inscrit dans une conception des droits de l’homme défendue de longue date par les autorités chinoises. Pour Pékin, il ne s’agit pas seulement de se concentrer sur l’obligation faite au gouvernement de garantir des libertés mais d’assurer un Etat prospère et puissant qui soit à même de garantir à l’ensemble de sa population des normes de qualité de vie, des mesures de santé et de prospérité économique. A l’issue de ce Deuxième Plan, la Chine souhaite que l’ensemble des droits économiques, sociaux, culturels, civiques et politiques soient garantis par la loi, une attention particulière étant donnée au droit à l’éducation. Parmi les domaines où le pays doit progresser, il est souligné que des mesures doivent être introduites dans le fonctionnement du système policier et judiciaire afin de prévenir le recours à la torture pour recueillir des aveux ou l’usage de moyens frauduleux pour réunir des preuves.

Vu de Hongkong, ce nouveau plan n’offre aucune garantie d’un progrès réel en matière de défense des droits fondamentaux, commente Patrick Poon, de la Commission ‘Justice et Paix’ du diocèse catholique de Hongkong. Le catholique note ainsi que le texte du gouvernement ne fait qu’effleurer la question de la liberté d’expression, signe, selon lui, que Pékin n’est pas prêt à desserrer la censure exercée sur les médias ou à laisser les citoyens exprimer librement leurs idées politiques. Il estime que ce nouveau plan n’est qu’un « document de papier » à destination de la communauté internationale pour répondre aux critiques que la Chine essuie régulièrement en ce domaine. La preuve en est, explique-t-il, que « la Convention internationale sur les droits civils et politiques, pourtant signée par la Chine en octobre 1998 », n’a toujours pas été présentée à l’Assemblée nationale populaire en vue de sa ratification. « On peut donc douter de la sincérité de Pékin lorsqu’un tel plan d’action est publié », conclut-il (1), arguant du fait que « les disparitions forcées » de dissidents et de membres de leurs familles ou bien encore les innombrables cas de démolitions illégales de biens immobiliers sont la preuve que la Chine n’est pas en mesure de garantir à ses citoyens le respect de leurs droits fondamentaux, y compris dans le domaine économique.

Recueillis par l’agence Ucanews (2), des commentaires de catholiques du continent vont dans le même sens. Actif dans l’est du pays, le « Père Jean-Baptiste » explique que le gouvernement n’est pas avare en théories et arguments bien agencés relatifs à la protection des droits de l’homme en Chine. Ce qui manque, c’est la pratique, le respect concret des droits ne figurant pas au rang des priorités de Pékin. « Le vaisseau spatial Shenzhou-9 peut bien s’arrimer avec succès au laboratoire en orbite Tiangong-1, le submersible Jiaolong peut bien tenter de plonger jusqu’à moins 7 000 mètres sous la surface des océans », affirme le prêtre, « le progrès et le prestige » d’une nation ne se mesurent pas seulement à l’aune de ses avancées économiques, scientifiques, technologiques ou militaires.

« La Chine sera grande dans la mesure où elle permettra à son peuple de vivre dans un cadre où chacun verra ses droits respectés et protégés », poursuit le prêtre catholique. Pour parvenir à cela, le Parti communiste ne doit pas seulement « craindre Dieu » mais « faire passer le bien-être du peuple avant son intérêt propre ». Dans le cas contraire, « l’instabilité sociale sera toujours comme une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes » car « un régime qui abuse de manière exagérée des droits de l’homme finit toujours par en payer le prix, tôt ou tard ».

Selon « Jiezi », une catholique animatrice d’un site Internet, se joue en Chine actuellement « une lutte de pouvoir » entre le Parti et la population. « Si le système politique ne se réforme pas, la quête pour les droits de l’homme et la liberté religieuse n’aboutira jamais, tant, derrière chacun des plus hauts dirigeants, on trouve de puissants groupes d’intérêt », estime-t-elle. Internet a cependant modifié la donne, ajoute-t-elle encore, dans la mesure où de plus en plus de personnes prennent conscience des enjeux et luttent pour une plus grande liberté d’expression. « Il se peut que la route soit jalonnée d’obstacles mais j’ai bon espoir de voir un jour les droits de l’homme véritablement reconnus et respectés dans mon pays », écrit-elle.

Du nord de la Chine, le « Père André » remarque que le plan d’action de Pékin, dans sa sous-section consacrée à la liberté religieuse, ne dit rien du christianisme. Il note toutefois : « L’Eglise catholique en Chine continue pourtant d’être sujette à des ingérences politiques [de la part du pouvoir chinois], notamment en ce qui concerne la nomination de ses évêques. Sous cet angle, notre foi n’est pas respectée, notre conscience violée et notre liberté réprimée. Il semble que ce gouvernement, qui est athée, ne s’épargne aucun effort en vue de changer la nature de notre religion. »

(1) On peut noter que la Convention internationale sur des droits économiques, sociaux, et culturels, signée par la Chine en octobre 1997, a été ratifiée par l’Assemblée nationale populaire en mars 2001.
(2) Ucanews, 22 juin 2012.

(Source: Eglises d’Asie, 22 juin2012)