Président de la commission Justice et paix de l’épiscopat vietnamien, Mgr Nguyen Thai Hop, évêque de Vinh (Vietnam) revient sur la situation critique des catholiques dans son pays.
Il prône un dialogue sans relâche pour aboutir à une réconciliation nationale et plaide pour un engagement de l’Église dans le débat sur la nouvelle Constitution, examinée par l’Assemblée nationale vietnamienne jusqu’à la fin du mois.
Quelle est la situation des catholiques dans votre pays ?
Mgr Nguyen Thai Hop : Les catholiques sont minoritaires au Vietnam. Ils sont 7,5 % sur une population de 90 millions d’habitants, soit près de 7 millions de catholiques. Ce chiffre est modeste, mais il s’agit d’une communauté bien formée, bien organisée et très unie. Des catholiques sont en prison, et nous sommes l’objet de pressions régulières, comme à My Yen, début septembre. Il y a eu un violent affrontement, et 30 catholiques ont été grièvement blessés. En outre, deux personnes ont été arrêtées et condamnées à six et sept mois de prison. Nous ne savons pas précisément qui est derrière cet incident, mais nous continuons à protester contre ces condamnations injustes. En tout, une vingtaine de catholiques sont en prison en raison de leur foi ou de leur lutte politique pacifique. Malgré tout cela, il nous faut essayer de vivre la paix et de réaliser le pardon.
Vous présidez la commission Justice et paix de l’épiscopat vietnamien. Comment travaillez-vous dans ce contexte difficile ?
Mgr N.T.H. : Ce n’est pas toujours facile. Nous marchons parfois sur une corde tendue au-dessus du sol. Il faut garder l’équilibre, comme saint Thomas nous dit qu’il faut trouver le juste milieu. Nous nous sommes fixé comme priorité d’atteindre la vérité, la justice, les droits de l’homme, l’amour et la personne humaine. Pour cela, on ne peut jamais sacrifier le dialogue. Pourtant, notre commission, qui existe depuis seulement trois ans, a beaucoup de mal à travailler. Pour chaque réunion, nous avons beaucoup de difficultés avec le gouvernement, ainsi que lorsque nous voulons inviter des intervenants extérieurs. La pression est très forte.
Quelle part l’Église prend-elle au projet de révision de la Constitution du pays, actuellement examiné par l’Assemblée nationale ?
Mgr N.T.H. : C’est un point très important. L’orientation du pays dans les prochaines années dépend beaucoup de la future Constitution. Pour la première fois de son histoire, la conférence épiscopale du Vietnam a envoyé au gouvernement un document pour manifester son opinion. Comme évêques, nous devons exprimer notre solidarité avec le peuple et le pays, aussi bien dans la douleur que dans la joie. J’ai encouragé les prêtres de mon diocèse à aller également dans ce sens. Je suis aussi signataire d’un appel paraphé par 72 intellectuels de tous les horizons sur ce changement.
Parmi les modifications que nous demandons, l’une d’entre elles concerne en particulier l’article 4, qui tient le marxisme-léninisme et la pensée de Hô Chi Minh comme principe de développement du pays. Ce point n’est pas compatible avec la liberté religieuse, les droits de l’homme et la démocratie. L’avenir du pays ne peut être déterminé en fonction de ce principe idéologique. Communistes ou non, croyants ou non, nous devons tous être sur un pied d’égalité si nous voulons avancer vers la paix, la démocratie et le progrès. C’est pourquoi nous demandons un retour vers des fondements hérités de la culture traditionnelle du Vietnam, libérée de toute idéologie.
Avez-vous l’impression d’être écouté ?
Mgr N.T.H. : Nous n’avons pas encore reçu de réponse. Et je ne suis pas assez naïf pour attendre une réponse positive à court terme. Mais la lutte est une longue marche. Jamais dans l’histoire nous n’avons pu obtenir de victoires sans lutte ni sacrifice. Mais nous ne pouvons nous taire, car nous avons une responsabilité et un rôle à jouer dans le destin du pays.
Pourquoi tant insister sur le dialogue, alors que d’autres préconisent plutôt d’employer une méthode plus frontale ?
Mgr N.T.H. : Le dialogue est la priorité des priorités. Comme chrétiens, nous ne pouvons utiliser la violence. Nous ne pouvons pas trahir le sermon de Jésus sur la montagne. Malgré la situation, je reste néanmoins persuadé que le pays va trouver une issue positive. Dieu nous aidera à cela. L’espérance est la dernière chose que l’on doit perdre, dit un proverbe latino-américain. Je peux comprendre la réaction de certains fidèles lorsqu’ils sont très éprouvés, mais notre but doit rester le dialogue, la paix, la charité et le pardon.
Le pays est-il prêt aujourd’hui à ce pardon ?
Mgr N.T.H. : C’est à nous de créer une atmosphère propice à la réconciliation entre tous, chrétiens et non chrétiens, athées et croyants, les communistes et les autres. Nous devons être les moteurs de la miséricorde, de l’amour et de la solidarité. Pour cela, nous devons refuser d’utiliser le mal contre le mal, la violence contre la violence. Seule la grâce de Dieu nous donne la force d’aimer, et d’accorder le pardon, d’abandonner toute rancœur. Pour cela, il faut accepter nos limites. Comme le dit saint Paul, c’est dans la faiblesse que nous trouvons la force de Dieu pour sortir du cercle vicieux de la haine et de la violence.
Source: http://www.la-croix.com/Religion/Actualite/Pour-l-eveque-de-Vinh-c-est-a-nous-de-creer-une-atmosphere-propice-a-la-reconciliation-2013-11-18-1062406 (Recuilli par Loup Besmond de Senneville)
Il prône un dialogue sans relâche pour aboutir à une réconciliation nationale et plaide pour un engagement de l’Église dans le débat sur la nouvelle Constitution, examinée par l’Assemblée nationale vietnamienne jusqu’à la fin du mois.
Quelle est la situation des catholiques dans votre pays ?
Mgr Nguyen Thai Hop : Les catholiques sont minoritaires au Vietnam. Ils sont 7,5 % sur une population de 90 millions d’habitants, soit près de 7 millions de catholiques. Ce chiffre est modeste, mais il s’agit d’une communauté bien formée, bien organisée et très unie. Des catholiques sont en prison, et nous sommes l’objet de pressions régulières, comme à My Yen, début septembre. Il y a eu un violent affrontement, et 30 catholiques ont été grièvement blessés. En outre, deux personnes ont été arrêtées et condamnées à six et sept mois de prison. Nous ne savons pas précisément qui est derrière cet incident, mais nous continuons à protester contre ces condamnations injustes. En tout, une vingtaine de catholiques sont en prison en raison de leur foi ou de leur lutte politique pacifique. Malgré tout cela, il nous faut essayer de vivre la paix et de réaliser le pardon.
Vous présidez la commission Justice et paix de l’épiscopat vietnamien. Comment travaillez-vous dans ce contexte difficile ?
Mgr N.T.H. : Ce n’est pas toujours facile. Nous marchons parfois sur une corde tendue au-dessus du sol. Il faut garder l’équilibre, comme saint Thomas nous dit qu’il faut trouver le juste milieu. Nous nous sommes fixé comme priorité d’atteindre la vérité, la justice, les droits de l’homme, l’amour et la personne humaine. Pour cela, on ne peut jamais sacrifier le dialogue. Pourtant, notre commission, qui existe depuis seulement trois ans, a beaucoup de mal à travailler. Pour chaque réunion, nous avons beaucoup de difficultés avec le gouvernement, ainsi que lorsque nous voulons inviter des intervenants extérieurs. La pression est très forte.
Quelle part l’Église prend-elle au projet de révision de la Constitution du pays, actuellement examiné par l’Assemblée nationale ?
Mgr N.T.H. : C’est un point très important. L’orientation du pays dans les prochaines années dépend beaucoup de la future Constitution. Pour la première fois de son histoire, la conférence épiscopale du Vietnam a envoyé au gouvernement un document pour manifester son opinion. Comme évêques, nous devons exprimer notre solidarité avec le peuple et le pays, aussi bien dans la douleur que dans la joie. J’ai encouragé les prêtres de mon diocèse à aller également dans ce sens. Je suis aussi signataire d’un appel paraphé par 72 intellectuels de tous les horizons sur ce changement.
Parmi les modifications que nous demandons, l’une d’entre elles concerne en particulier l’article 4, qui tient le marxisme-léninisme et la pensée de Hô Chi Minh comme principe de développement du pays. Ce point n’est pas compatible avec la liberté religieuse, les droits de l’homme et la démocratie. L’avenir du pays ne peut être déterminé en fonction de ce principe idéologique. Communistes ou non, croyants ou non, nous devons tous être sur un pied d’égalité si nous voulons avancer vers la paix, la démocratie et le progrès. C’est pourquoi nous demandons un retour vers des fondements hérités de la culture traditionnelle du Vietnam, libérée de toute idéologie.
Avez-vous l’impression d’être écouté ?
Mgr N.T.H. : Nous n’avons pas encore reçu de réponse. Et je ne suis pas assez naïf pour attendre une réponse positive à court terme. Mais la lutte est une longue marche. Jamais dans l’histoire nous n’avons pu obtenir de victoires sans lutte ni sacrifice. Mais nous ne pouvons nous taire, car nous avons une responsabilité et un rôle à jouer dans le destin du pays.
Pourquoi tant insister sur le dialogue, alors que d’autres préconisent plutôt d’employer une méthode plus frontale ?
Mgr N.T.H. : Le dialogue est la priorité des priorités. Comme chrétiens, nous ne pouvons utiliser la violence. Nous ne pouvons pas trahir le sermon de Jésus sur la montagne. Malgré la situation, je reste néanmoins persuadé que le pays va trouver une issue positive. Dieu nous aidera à cela. L’espérance est la dernière chose que l’on doit perdre, dit un proverbe latino-américain. Je peux comprendre la réaction de certains fidèles lorsqu’ils sont très éprouvés, mais notre but doit rester le dialogue, la paix, la charité et le pardon.
Le pays est-il prêt aujourd’hui à ce pardon ?
Mgr N.T.H. : C’est à nous de créer une atmosphère propice à la réconciliation entre tous, chrétiens et non chrétiens, athées et croyants, les communistes et les autres. Nous devons être les moteurs de la miséricorde, de l’amour et de la solidarité. Pour cela, nous devons refuser d’utiliser le mal contre le mal, la violence contre la violence. Seule la grâce de Dieu nous donne la force d’aimer, et d’accorder le pardon, d’abandonner toute rancœur. Pour cela, il faut accepter nos limites. Comme le dit saint Paul, c’est dans la faiblesse que nous trouvons la force de Dieu pour sortir du cercle vicieux de la haine et de la violence.
Source: http://www.la-croix.com/Religion/Actualite/Pour-l-eveque-de-Vinh-c-est-a-nous-de-creer-une-atmosphere-propice-a-la-reconciliation-2013-11-18-1062406 (Recuilli par Loup Besmond de Senneville)