Alors que le pape François vient de signer le décret ouvrant la voie à la béatification de 17 martyrs de l’Eglise du Laos, les responsables de l’Eglise catholique au Cambodge lancent le processus qui devrait aboutir à la béatification de 35 martyrs, exécutés ou morts de faim et d’épuisement sous le régime de Pol Pot et des Khmers rouges, au pouvoir entre 1975 et 1979. Si la démarche aboutit, ce sera une première pour le Cambodge, pays qui, à ce jour, ne compte pas de bienheureux et de saints reconnus par l’Eglise.
Pour Mgr Olivier Schmitthaeusler, 44 ans, vicaire apostolique de Phnom Penh, et les évêques des deux autres circonscriptions ecclésiastiques du Cambodge, c’est l’aboutissement d’une démarche entreprise il y a quinze ans, lorsqu’en l’an 2000, en réponse à l’appel du pape Jean-Paul II de faire mémoire des martyrs et de tous ceux qui avaient souffert pour leur foi au cours du XXe siècle (1), un mémorial dédié aux martyrs du Cambodge avait été inauguré à Taing Kauk (Tang Kok), bourgade rurale chère au cœur de la petite communauté des chrétiens de ce pays.
Le site de Taing Kauk avait été choisi parce que c’est là qu’ont vécu sous le régime communiste des chrétiens de Phnom Penh, de Battambang et de Kompong Thom. C’est là que Mgr Joseph Chhmar Salas, le premier évêque cambodgien, a été déporté avec ses parents et proches et est mort de maladie et de faim en 1977, dans une pagode transformée en hôpital, à la lisière des trois diocèses de Phnom Penh, Battabamg et Kompong Cham. C’est là que la croix pectorale de Mgr Salas avait été cachée sous un nid de poule avant d’être transportée à Phnom Penh en 1979 et transmise à Mgr Emile Destombes, coadjuteur de l’évêque de Phnom Penh, lors de son ordination épiscopale en 1997.
C’est donc à Taing Kauk que le vicaire apostolique de Phnom Penh, aux côtés de Mgr Antonysamy Surairaj, préfet apostolique de Kompong Cham, et de Mgr Enrique Figaredo, préfet apostolique de Battambang, se sont rendus le 1er mai dernier pour ouvrir officiellement la phase diocésaine du procès en béatification de 35 martyrs. Mille quatre cents fidèles des trois diocèses de l’Eglise du Cambodge étaient réunis avec eux, signifiant par leur nombre l’importance que revêt pour eux cette démarche.
A Eglises d’Asie, Mgr Schmitthaeusler explique que l’ouverture de la phase diocésaine du procès en béatification est en soi un aboutissement. « Pour une Eglise petite comme la nôtre et pauvre en moyens humains et matériels, un tel processus est complexe », précise-t-il, non sans ajouter que cela fait des années que, dans ce pays très jeune où la majorité de la population n’a pas connu le régime khmer rouge, le témoignage donné par les martyrs est transmis aux jeunes catéchumènes et aux jeunes baptisés.
Concrètement, c’est grâce au travail mené par Mgr Yves Ramousse, 87 ans, vicaire apostolique de Phnom Penh de 1962 à 1976 puis de 1992 à 2001, qu’une liste de 35 noms a pu être établie. Outre Mgr Joseph Chhmar Salas (1937-1977), des prêtres – dont cinq pères des Missions Etrangères de Paris –, des religieux et religieuses ainsi que des laïcs y figurent. Trois nationalités sont représentées: Cambodge, Vietnam et France.
L’actuel vicaire apostolique de Phnom Penh ajoute avoir envoyé un prêtre des Missions Etrangères de Thaïlande, en mission à Phnom Penh, étudier le droit canonique à Rome en 2012; ce missionnaire, le P. Paul Chatsirey Roeung, est le postulateur de la cause et suivra le dossier lorsque celui-ci sera transmis à la Congrégation pour les causes des saints, au Vatican.
Le 1er mai dernier, à Taing Kauk, Mgr Schmitthaeusler a expliqué aux catholiques rassemblés que toute cette démarche prendra très certainement des années avant d’aboutir, tant la compilation des documents relatifs aux 35 martyrs est difficile étant donné le contexte extrême où ils ont trouvé la mort. Mais il ne cache pas avoir été conforté par l’attention témoigné par le pape François envers cette cause. C’était lors des Journées asiatiques de la jeunesse en Corée du Sud; le 15 août dernier, lors d’une rencontre avec la jeunesse catholique d’Asie, le pape avait explicitement encouragé l’Eglise du Cambodge à avancer dans cette cause et avait demandé au cardinal Angelo Amato, préfet de la Congrégation pour les causes des saints, de soutenir Mgr Schmitthaeusler dans ce travail.
A propos de ces martyrs, dans son homélie du 1er mai dernier, Mgr Schmitthaeusler déclarait: « En lisant (…) la liste de nos présumés martyrs, c’est le peuple de Dieu dans sa diversité que nous avons rencontrés. Pasteurs et serviteurs, évêques, prêtres, religieux et religieuses avec leurs frères et sœurs chrétiens ont donné ce qu’ils avaient de plus précieux: leur vie.
Pol Pot et les Khmers rouges ont pris leur biens, leur terre, leur métier, leurs églises, leurs écoles, leurs monastères. Mais pas leur vie éclairée par la foi et l’amour reçus le jour de leur baptême ! Oui, c’est ce peuple de vivant que nous célébrons aujourd’hui. C’est de ce peuple dont nous faisons partis. »
Dans une société à 95 % bouddhiste, la petite communauté catholique (autour de 22 000 fidèles) poursuit son chemin de renaissance après avoir été presque totalement anéantie par les persécutions des Khmers rouges et la guerre civile jusqu’en 1990. (eda/ra)
(1) Le pape Jean-Paul II avait souhaité que la mémoire des martyrs et de tous ceux qui ont souffert pour la foi soit un des axes majeurs du grand Jubilé de l’an 2000: « Il ne faut pas oublier leur témoignage (...). [Le XXe siècle] a connu de très nombreux martyrs, surtout à cause du nazisme, du communisme et des luttes raciales ou tribales. Des personnes de toutes les couches sociales ont souffert en raison de la foi, payant de leur sang leur adhésion au Christ et à l’Eglise ou affrontant avec courage d’interminables années de prison et d’autres privations de tout genre, parce qu’elles ne voulaient pas céder à une idéologie qui s’était transformée en un régime de dictature impitoyable. »
(Source: Eglises d'Asie, le 17 juin 2015)
Le site de Taing Kauk avait été choisi parce que c’est là qu’ont vécu sous le régime communiste des chrétiens de Phnom Penh, de Battambang et de Kompong Thom. C’est là que Mgr Joseph Chhmar Salas, le premier évêque cambodgien, a été déporté avec ses parents et proches et est mort de maladie et de faim en 1977, dans une pagode transformée en hôpital, à la lisière des trois diocèses de Phnom Penh, Battabamg et Kompong Cham. C’est là que la croix pectorale de Mgr Salas avait été cachée sous un nid de poule avant d’être transportée à Phnom Penh en 1979 et transmise à Mgr Emile Destombes, coadjuteur de l’évêque de Phnom Penh, lors de son ordination épiscopale en 1997.
C’est donc à Taing Kauk que le vicaire apostolique de Phnom Penh, aux côtés de Mgr Antonysamy Surairaj, préfet apostolique de Kompong Cham, et de Mgr Enrique Figaredo, préfet apostolique de Battambang, se sont rendus le 1er mai dernier pour ouvrir officiellement la phase diocésaine du procès en béatification de 35 martyrs. Mille quatre cents fidèles des trois diocèses de l’Eglise du Cambodge étaient réunis avec eux, signifiant par leur nombre l’importance que revêt pour eux cette démarche.
A Eglises d’Asie, Mgr Schmitthaeusler explique que l’ouverture de la phase diocésaine du procès en béatification est en soi un aboutissement. « Pour une Eglise petite comme la nôtre et pauvre en moyens humains et matériels, un tel processus est complexe », précise-t-il, non sans ajouter que cela fait des années que, dans ce pays très jeune où la majorité de la population n’a pas connu le régime khmer rouge, le témoignage donné par les martyrs est transmis aux jeunes catéchumènes et aux jeunes baptisés.
Concrètement, c’est grâce au travail mené par Mgr Yves Ramousse, 87 ans, vicaire apostolique de Phnom Penh de 1962 à 1976 puis de 1992 à 2001, qu’une liste de 35 noms a pu être établie. Outre Mgr Joseph Chhmar Salas (1937-1977), des prêtres – dont cinq pères des Missions Etrangères de Paris –, des religieux et religieuses ainsi que des laïcs y figurent. Trois nationalités sont représentées: Cambodge, Vietnam et France.
L’actuel vicaire apostolique de Phnom Penh ajoute avoir envoyé un prêtre des Missions Etrangères de Thaïlande, en mission à Phnom Penh, étudier le droit canonique à Rome en 2012; ce missionnaire, le P. Paul Chatsirey Roeung, est le postulateur de la cause et suivra le dossier lorsque celui-ci sera transmis à la Congrégation pour les causes des saints, au Vatican.
Le 1er mai dernier, à Taing Kauk, Mgr Schmitthaeusler a expliqué aux catholiques rassemblés que toute cette démarche prendra très certainement des années avant d’aboutir, tant la compilation des documents relatifs aux 35 martyrs est difficile étant donné le contexte extrême où ils ont trouvé la mort. Mais il ne cache pas avoir été conforté par l’attention témoigné par le pape François envers cette cause. C’était lors des Journées asiatiques de la jeunesse en Corée du Sud; le 15 août dernier, lors d’une rencontre avec la jeunesse catholique d’Asie, le pape avait explicitement encouragé l’Eglise du Cambodge à avancer dans cette cause et avait demandé au cardinal Angelo Amato, préfet de la Congrégation pour les causes des saints, de soutenir Mgr Schmitthaeusler dans ce travail.
A propos de ces martyrs, dans son homélie du 1er mai dernier, Mgr Schmitthaeusler déclarait: « En lisant (…) la liste de nos présumés martyrs, c’est le peuple de Dieu dans sa diversité que nous avons rencontrés. Pasteurs et serviteurs, évêques, prêtres, religieux et religieuses avec leurs frères et sœurs chrétiens ont donné ce qu’ils avaient de plus précieux: leur vie.
Pol Pot et les Khmers rouges ont pris leur biens, leur terre, leur métier, leurs églises, leurs écoles, leurs monastères. Mais pas leur vie éclairée par la foi et l’amour reçus le jour de leur baptême ! Oui, c’est ce peuple de vivant que nous célébrons aujourd’hui. C’est de ce peuple dont nous faisons partis. »
Dans une société à 95 % bouddhiste, la petite communauté catholique (autour de 22 000 fidèles) poursuit son chemin de renaissance après avoir été presque totalement anéantie par les persécutions des Khmers rouges et la guerre civile jusqu’en 1990. (eda/ra)
(1) Le pape Jean-Paul II avait souhaité que la mémoire des martyrs et de tous ceux qui ont souffert pour la foi soit un des axes majeurs du grand Jubilé de l’an 2000: « Il ne faut pas oublier leur témoignage (...). [Le XXe siècle] a connu de très nombreux martyrs, surtout à cause du nazisme, du communisme et des luttes raciales ou tribales. Des personnes de toutes les couches sociales ont souffert en raison de la foi, payant de leur sang leur adhésion au Christ et à l’Eglise ou affrontant avec courage d’interminables années de prison et d’autres privations de tout genre, parce qu’elles ne voulaient pas céder à une idéologie qui s’était transformée en un régime de dictature impitoyable. »
(Source: Eglises d'Asie, le 17 juin 2015)