Eglises d'Asie, 18 mars 2011 - Ce vendredi 18 mars, la Fédération chrétienne de Malaisie, la plus importante organisation chrétienne du pays, par la voix de son président, Mgr Ng Moon Hing, évêque du diocèse anglican de West-Malaysia, a publié une déclaration dans laquelle elle s’indigne des conditions imposées par le gouvernement pour autoriser la remise des 35 000 bibles bloquées depuis près de deux ans dans les ports de Kuching et de Klang.
La joie et le soulagement des chrétiens de Malaisie ont en effet été de courte durée, après avoir reçu le 16 mars dernier la nouvelle de la restitution de ces milliers de bibles en malais, confisquées en raison du fait qu'elles utilisaient le mot 'Allah' pour dire 'Dieu' (1). Quelques heures plus tard, les sociétés importatrices des bibles, dont la Bible Society of Malaysia, recevaient une note de Datuk Zaitun ab Samad, secrétaire du Bureau des textes coraniques et du contrôle des publications, au ministère de l’Intérieur, les informant des deux conditions sous lesquelles l’al-Kitab (la Bible, en malais) pouvait être distribuée.
La première était que soit imprimée sur chaque ouvrage la mention: « Attention: cette al-Kitab est à l’usage des chrétiens uniquement. Par ordre du ministère de l’Intérieur ». La deuxième demandait qu'à des fins de traçabilité, chaque exemplaire soit estampillé par le ministère, avec mention de la date, du port d’origine, et un numéro de série.
Selon la Bible Society of Malaysia, tout un stock d’ouvrages consignés dans le port de Klang aurait déjà été marqué selon les directives du ministère, sans qu’elle ait accordé son autorisation. Les médias locaux ont rapporté que le ministère de l’Intérieur avait légitimé sa décision en déclarant que la Bible était « préjudiciable à l’intérêt national et à la sécurité de la Malaisie ».
Par sa déclaration du 18 mars 2011, la Christians Federation of Malaysia (CFM) a exprimé « l’indignation » des chrétiens face à ce qu’elle qualifie « d’outrage inacceptable ». « La communauté chrétienne de Malaisie a toujours fait preuve de bonne foi et d’une grande patience, cherchant des solutions à l’amiable tout en ne faisant pas de compromis avec sa foi. Mais il n'y a pas eu de réciprocité de la part du gouvernement ».
Ajoutant qu’elle n’accepterait jamais les conditions imposées par les autorités, la CFM a déclaré que « la communauté chrétienne avait été profondément blessée que le gouvernement ait ainsi défiguré et profané la Bible ». Mgr Ng Moon Hing, directeur de la CFM, qui signe cette déclaration, incite ainsi « tous les Malaisiens » à « rejeter de telles violations de la liberté de religion dans [leur] pays bien-aimé », avant d’inviter les chrétiens à « garder leur calme et rester dans la prière ».
Le Conseil des Eglises de Malaisie (CCM), s’est également exprimé par la voix de son secrétaire général, le Rév. Hermen Shastri, qui a déploré: « La situation empire chaque jour, il n’y a plus aucun respect pour les autres religions [que l’islam]. » Soulignant que le ministère de l’Intérieur « traitait la Bible comme un livre communiste », il a fait remarquer: « C’est un livre saint ! De quel droit peut-il faire marquer dessus que c’est "l’ordre du ministère !"(...) Imaginez que ces conditions soient imposées à l'al-Quran (Coran); je me demande comment les musulmans le prendraient ? »
Parmi ceux qui font connaître également leur ferme opposition au « marquage » des bibles, Baru Bian, président du PKR ( People’s Justice Party ou Keadilan Rakyat), chrétien militant, a insisté dans différentes interviews accordées aux médias locaux, sur le caractère inconstitutionnel de cette décision gouvernementale, qu’il qualifie « d’abus de pouvoir » et de « violation des libertés ».
Selon lui, le « geste en faveur de la paix religieuse », comme l’a présenté le gouvernement le 16 mars dernier, n’est rien d’autre qu’une manoeuvre politique pour ne pas s’aliéner le vote des chrétiens, relativement nombreux dans les régions de Sabah et de Sarawak, où vont bientôt se tenir des élections, et auxquelles la plus grande partie des bibles saisies était destinée.
Les chrétiens de Sabah et Sarawak, Etats situés sur l'île de Bornéo, sont pour la plupart des peuples aborigènes, qui pratiquent la langue malaise et l’utilisent dans la liturgie et l’enseignement du catéchisme. La mention « pour chrétiens seulement » imposée par le ministère de l’Intérieur sur les bibles, inquiète fortement les communautés chrétiennes. Comme l’expliquent leurs représentants religieux dans la déclaration du 18 mars, les familles de ces chrétiens comprennent souvent des membres appartenant à d’autres religions et elles vivent au milieu des non-chrétiens avec lesquels elles entretiennent des relations amicales. Comment dans ce cas, ne pas être accusé de commettre un délit si l’un d’entre eux est surpris chez une personne qui possèderait l’ouvrage ou le regarderait ?
(1) Voir dépêche EDA du 15 mars 2011. Au sujet de la controverse sur l’utilisation du mot Allah par les non-musulmans, voir également EDA 477, 500, 503, 510, 521, 522
(2) L’un des partis d’opposition, le PKR (Parti Keadilan Rakyat), formé en 2003 de la fusion entre le National Justice Party et le Malaysian People’s Party, se situe au centre de l’échiquier politique, avec un fort accent en faveur de la justice sociale et contre la corruption et pour une approche de la politique économique qui ne tienne plus compte de l’appartenance ethnique.
(3) Free Malaysia Today, 18 mars 2011; Herald, 18 mars 2011, The Malaysian Insider, 18 mars 2011; Ucanews, 17 mars 2011
(Source: Eglises d'Asie, 18 mars 2011)
La joie et le soulagement des chrétiens de Malaisie ont en effet été de courte durée, après avoir reçu le 16 mars dernier la nouvelle de la restitution de ces milliers de bibles en malais, confisquées en raison du fait qu'elles utilisaient le mot 'Allah' pour dire 'Dieu' (1). Quelques heures plus tard, les sociétés importatrices des bibles, dont la Bible Society of Malaysia, recevaient une note de Datuk Zaitun ab Samad, secrétaire du Bureau des textes coraniques et du contrôle des publications, au ministère de l’Intérieur, les informant des deux conditions sous lesquelles l’al-Kitab (la Bible, en malais) pouvait être distribuée.
La première était que soit imprimée sur chaque ouvrage la mention: « Attention: cette al-Kitab est à l’usage des chrétiens uniquement. Par ordre du ministère de l’Intérieur ». La deuxième demandait qu'à des fins de traçabilité, chaque exemplaire soit estampillé par le ministère, avec mention de la date, du port d’origine, et un numéro de série.
Selon la Bible Society of Malaysia, tout un stock d’ouvrages consignés dans le port de Klang aurait déjà été marqué selon les directives du ministère, sans qu’elle ait accordé son autorisation. Les médias locaux ont rapporté que le ministère de l’Intérieur avait légitimé sa décision en déclarant que la Bible était « préjudiciable à l’intérêt national et à la sécurité de la Malaisie ».
Par sa déclaration du 18 mars 2011, la Christians Federation of Malaysia (CFM) a exprimé « l’indignation » des chrétiens face à ce qu’elle qualifie « d’outrage inacceptable ». « La communauté chrétienne de Malaisie a toujours fait preuve de bonne foi et d’une grande patience, cherchant des solutions à l’amiable tout en ne faisant pas de compromis avec sa foi. Mais il n'y a pas eu de réciprocité de la part du gouvernement ».
Ajoutant qu’elle n’accepterait jamais les conditions imposées par les autorités, la CFM a déclaré que « la communauté chrétienne avait été profondément blessée que le gouvernement ait ainsi défiguré et profané la Bible ». Mgr Ng Moon Hing, directeur de la CFM, qui signe cette déclaration, incite ainsi « tous les Malaisiens » à « rejeter de telles violations de la liberté de religion dans [leur] pays bien-aimé », avant d’inviter les chrétiens à « garder leur calme et rester dans la prière ».
Le Conseil des Eglises de Malaisie (CCM), s’est également exprimé par la voix de son secrétaire général, le Rév. Hermen Shastri, qui a déploré: « La situation empire chaque jour, il n’y a plus aucun respect pour les autres religions [que l’islam]. » Soulignant que le ministère de l’Intérieur « traitait la Bible comme un livre communiste », il a fait remarquer: « C’est un livre saint ! De quel droit peut-il faire marquer dessus que c’est "l’ordre du ministère !"(...) Imaginez que ces conditions soient imposées à l'al-Quran (Coran); je me demande comment les musulmans le prendraient ? »
Parmi ceux qui font connaître également leur ferme opposition au « marquage » des bibles, Baru Bian, président du PKR ( People’s Justice Party ou Keadilan Rakyat), chrétien militant, a insisté dans différentes interviews accordées aux médias locaux, sur le caractère inconstitutionnel de cette décision gouvernementale, qu’il qualifie « d’abus de pouvoir » et de « violation des libertés ».
Selon lui, le « geste en faveur de la paix religieuse », comme l’a présenté le gouvernement le 16 mars dernier, n’est rien d’autre qu’une manoeuvre politique pour ne pas s’aliéner le vote des chrétiens, relativement nombreux dans les régions de Sabah et de Sarawak, où vont bientôt se tenir des élections, et auxquelles la plus grande partie des bibles saisies était destinée.
Les chrétiens de Sabah et Sarawak, Etats situés sur l'île de Bornéo, sont pour la plupart des peuples aborigènes, qui pratiquent la langue malaise et l’utilisent dans la liturgie et l’enseignement du catéchisme. La mention « pour chrétiens seulement » imposée par le ministère de l’Intérieur sur les bibles, inquiète fortement les communautés chrétiennes. Comme l’expliquent leurs représentants religieux dans la déclaration du 18 mars, les familles de ces chrétiens comprennent souvent des membres appartenant à d’autres religions et elles vivent au milieu des non-chrétiens avec lesquels elles entretiennent des relations amicales. Comment dans ce cas, ne pas être accusé de commettre un délit si l’un d’entre eux est surpris chez une personne qui possèderait l’ouvrage ou le regarderait ?
(1) Voir dépêche EDA du 15 mars 2011. Au sujet de la controverse sur l’utilisation du mot Allah par les non-musulmans, voir également EDA 477, 500, 503, 510, 521, 522
(2) L’un des partis d’opposition, le PKR (Parti Keadilan Rakyat), formé en 2003 de la fusion entre le National Justice Party et le Malaysian People’s Party, se situe au centre de l’échiquier politique, avec un fort accent en faveur de la justice sociale et contre la corruption et pour une approche de la politique économique qui ne tienne plus compte de l’appartenance ethnique.
(3) Free Malaysia Today, 18 mars 2011; Herald, 18 mars 2011, The Malaysian Insider, 18 mars 2011; Ucanews, 17 mars 2011
(Source: Eglises d'Asie, 18 mars 2011)