Depuis le 6 avril dernier, jour où furent découverts les premiers signes du fléau, des centaines de milliers de poissons ont été retrouvés morts non seulement dans les élevages très nombreux sur les côtes du Centre-Vietnam, mais aussi à même les plages de cette région. Le phénomène s’étend sur cinq provinces du Centre-Vietnam. L’inquiétude est dans tous les esprits, non seulement chez les habitants directement concernés, mais aussi au sein de la population nationale, le poisson étant non seulement la source principale de la subsistance mais aussi des revenus des pêcheurs et des éleveurs. Pour le moment, les autorités civiles ont seulement précisé que « le phénomène était dû à des éléments toxiques ». Elles ont fait savoir que l’origine de l’empoisonnement devait encore être déterminée.

Le trouble actuel au sein de l’opinion publique est tel qu’il a déjà provoqué un certain nombre de dénonciations publiques parues sur les blogs et sites privés, de la part de diverses associations de la société civile. Une des plus précises et détaillées, parue le 26 avril, a été diffusée par le P. Phan Van Loi. De plus, le président de la Conférence épiscopale, Mgr Paul Bui Van Doc, archevêque de Saigon, a publié le 30 avril 2016, un communiqué éclairant les faits à la lumière de la récente encyclique du pape François Laudato si’ sur l’écologie.

Malgré la discrétion actuelle des pouvoirs publics sur l’origine de cette pollution, les récits de la presse officielle (gouvernementale) et des témoignages individuels ont fait porter les soupçons sur une conduite d’eaux usées, longue de 1,5 km et reliant l’aciérie Formosa à la mer. La révélation est rapportée par Le Courrier du Vietnam du 27 avril 2016, organe de presse francophone tout à fait officiel. Le même journal ajoute que le centre sidérurgique en question a importé quelque 300 tonnes de produits chimiques toxiques pour les besoins de « refroidissement » durant le processus de production. Selon ce même journal, le patron taïwanais du centre sidérurgique aurait reconnu les faits, en ajoutant que le Vietnam devait choisir entre l’élevage du poisson et un centre de sidérurgie moderne…

Le centre sidérurgique Formosa, à capitaux taïwanais, s’est installé, en fin d’année 2012, à Vung Ang sur 2 000 ha de terrain qui lui ont été concédés par l’Etat sur une côte du Nghê An, avec divers privilèges et au prix de l’expropriation de nombreux habitants de la région.

Le 30 avril 2016, le président de la Conférence des évêques catholiques du Vietnam a mis en ligne le texte suivant : « Communiqué sur la grande quantité de poissons morts anormalement découverts sur les côtes maritimes du Centre-Vietnam. »

«Aux prêtres, religieux, et laïcs,

Face à la situation actuelle : à savoir la multitude de poissons venus mourir sur les côtes du Centre-Vietnam par centaines de milliers, nos compatriotes rencontrent de très fortes difficultés dans leur vie quotidienne et doivent faire face à de très grandes épreuves. Quant à l’Etat et aux organismes responsables, ils n’ont pas encore déterminé clairement la cause de ces faits…

Il s’agit de ce qu’on pourrait appeler une « catastrophe environnementale », mentionnée par le pape dans son encyclique Laudato si’. (…). En tant que catholiques, nous désirons tous témoigner de notre proximité dans l’épreuve auprès de nos compatriotes du Centre-Vietnam. Mais, en même temps, nous sommes remplis d’inquiétude lorsque nous pensons à l’avenir de l’environnement et de notre cadre de vie dans notre patrie.

Que devons-nous faire ? Il ne s’agit pas là d’une chose simple. « Sur beaucoup de questions concrètes, en principe, l’Eglise n’a pas de raison de proposer une parole définitive et elle comprend qu’elle doit écouter puis promouvoir le débat honnête entre scientifiques, en respectant la diversité d’opinions » (Laudato si’, 61).

C’est pourquoi, mes chers pères, frères et sœurs laïcs, lorsque vous exprimez vos inquiétudes ainsi que votre scandale, efforcez-vous d’éviter un comportement excessif vous mettant en conflit avec la production et la circulation, en accusant celles-ci de porter atteint à la loi.

Nous prierons d’une façon toute particulière pour nos compatriotes du Centre-Vietnam, plongés dans une situation extrêmement difficile et nous participerons aux activités d’aide et de partage susceptible de les aider véritablement par l’intermédiaire de la Commission épiscopale nationale Caritas et des diverses commissions diocésaines et paroissiales.

Recevez, chers prêtres, chers frères et sœurs, mes salutations cordiales.

Hô Chi Minh-Ville, le 30 avril 2016.
Paul Bui Van Doc, archevêque de Hô Chi Minh-Ville
Président de la Conférence épiscopale du Vietnam »


(Eglises d'Asie, le 2 mai 2016)