De retour à Manille après le Synode sur la famille qui s’est tenu à Rome du 5 au 19 octobre derniers, le cardinal Luis Antonio Tagle, archevêque de Manille, a vivement critiqué la couverture médiatique dont le synode a fait l’objet. Selon lui, celle-ci a été dominée par les médias occidentaux qui, en se focalisant sur quelques thèmes propres aux pays riches, ont largement ignoré les problèmes et questions soulevés par les situations variées que connaissent les familles dans les pays en développement.

Le cardinal, qui était l’un des trois présidents du synode (aux côtés du cardinal français André Vingt-trois et du cardinal brésilien Damasceno Assis), s’exprimait lors d’une conférence de presse le 30 octobre, à Manille, où il a répondu deux heures durant aux questions des journalistes. « Certaines personnes peuvent avoir l’impression que le seul sujet qui a été discuté au synode concernait le divorce et les personnes homosexuelles, a-t-il affirmé. Mais je peux vous assurer que ce n’est pas le cas et que bien d’autres problèmes ont été abordés. »

Parmi ces autres « sujets d’importance » discutés par les pères synodaux, Mgr Tagle a énuméré les mariages dont les deux conjoints ne professent pas la même foi, les violences domestiques, la pornographie, la pauvreté ou bien encore les migrations. « Quand vous parlez de pauvreté, vous évoquez des questions liées à l’emploi, à l’éducation ou encore à l’alimentation. Des thèmes qui n’appartiennent pas en propre à l’Eglise mais concernent la société toute entière », a précisé le cardinal.

Au sujet des migrations et de leur impact sur la vie des couples et des familles, Mgr Tagle a réitéré ce qu’il avait déclaré publiquement au tout début du synode, à savoir qu’il n’y avait pas que le divorce qui entraînait la séparation des couples et des familles. Il faut aussi, a-t-il poursuivi, compter avec les migrations qui constituent « un autre type de séparation » lorsque l’un des deux conjoints est contraint de s’expatrier durant de longues années pour trouver à s’employer et gagner l’argent nécessaire à l’entretien des siens.

« Les séparations [contraintes par la migration] ne sont pas des séparations ‘bon débarras’ mais des séparations vécues dans la peine et la douleur », a-t-il ajouté, posant la question de la pastorale à mettre en place par l’Eglise pour aider « ceux et celles qui partent, à rester fidèles à leur conjoint et à demeurer proches leurs enfants ». De même, le cardinal, citoyen d’un pays dont près d’un dixième de la population est expatriée, s’est interrogé sur ce qui était fait pour « ceux étaient laissés sur place ».

Interrogé sur la couverture médiatique du synode, le cardinal l’a jugée globalement « juste » mais il a exprimé sa déception face à ce qu’il a qualifié d’« ordre du jour » imposé par des journalistes trop exclusivement focalisés sur des questions concernant d’abord l’Occident, à savoir les divorcés remariés civilement et les personnes homosexuelles. « Disons que chacun souhaite communiquer quelque chose. Ce faisant, sans nier ce que disent les autres, on se concentre sur une chose en particulier, et les autres points sont seulement mentionnés en passant. Est-ce là une manière ‘juste’ de rendre compte de ce qui s’est dit dans l’assemblée synodale ? », a interrogé le cardinal, notant que des sujets importants soulevés durant les débats « n’avaient pas trouvé un juste écho » dans les médias.

Mgr Tagle a notamment épinglé le penchant de bon nombre de médias à « étiqueter » les pères synodaux, voyant là une pratique « peu constructive ». « Etiqueter quelqu’un du terme progressiste, conservateur ou traditionnaliste peut nuire à l’écoute profonde que l’on portera aux propos de la personne ainsi caractérisée », a expliqué le cardinal, soulignant qu’« une personne ne sera jamais réductible à une étiquette, tout particulièrement lorsque celle-ci s’exprime au sujet de mystères aussi profonds que l’amour, la relation, le mariage ».

Quant à la scène médiatique, Mgr Tagle a dénoncé le fait que « la presse était très nettement dominée par l’Occident ». « J’ai été plus que frappé par le fait qu’il n’y avait pas un seul journaliste asiatique parmi les centaines et les centaines de journalistes qui ont couvert ce synode. Et tout aussi attristé de voir qu’il n’y avait pas non plus de journalistes africains », a affirmé le cardinal, en ajoutant : « Qui peut donc rapporter les soucis qui sont ceux de l’Asie ? Qui rapportera le fait que des voix se sont élevées dans l’assemblée synodale pour faire entendre ce qui se vit en Asie ? ». (eda/ra)

(Source: Eglises d'Asie, le 4 novembre 2014)