« Les catholiques malaisiens sont très heureux de la nomination du premier cardinal de l’histoire de la Malaisie. Ils voient dans cette nomination le fait que notre pays est enfin sur la carte de l’Eglise universelle et que notre Eglise locale a atteint un certain degré de maturité », a déclaré le P. Lawrence Andrew, jésuite et directeur de l’hebdomadaire catholique The Herald, en commentant l’élévation au rang de cardinal de Mgr Anthony Soter Fernandez, archevêque émérite de Kuala Lumpur.

Mgr Fernandez fait en effet partie des dix-sept nouveaux cardinaux dont la création a été annoncée par le pape, le 9 octobre dernier, parmi lesquels trois cardinaux asiatiques, dont deux en pays majoritairement musulman : lui-même et Mgr Patrick D’Rozario, au Bangladesh, le troisième cardinal étant Mgr John Ribat, archevêque de Port Moresby, en Papouasie Nouvelle-Guinée.

Agé de 84 ans, Mgr Fernandez a été ordonné prêtre pour le diocèse de Penang en 1966. De 1978 à 1983, il a été évêque de Penang, avant de devenir archevêque de Kuala Lumpur jusqu’en 2003, année où il a démissionné pour raisons de santé. Conseiller spirituel au grand séminaire de Penang – un lieu historique où se trouvait le « Collège général », séminaire qui a formé des générations de prêtres pour toute l’Asie –, il est ensuite retourné dans l’archidiocèse de Kuala Lumpur pour servir comme aumônier à la maison de retraite Saint-François-Xavier, à Cheras.

Un cardinal humble, proche de son peuple et doté d’une grande force spirituelle

« Cet homme a une vision très claire des besoins de l’Eglise en Malaisie. Il a beaucoup œuvré pour le dialogue interreligieux et s’est battu pour davantage de justice. En tant qu’archevêque, il a développé les communautés ecclésiales de base et a fait grandir sa communauté en lui faisant prendre conscience de l’importance de faire corps en Eglise », analyse le missionnaire jésuite.

« Il s’est également battu contre l’injustice en s’opposant à l’Internal Security Act (ISA), une législation d’exception, votée dans les années 1960, qu’il tenait pour immorale », car elle permet aux forces de l’ordre d’élargir leurs pouvoirs en matière d’arrestation et d’incarcération des personnes sans procédures judiciaires, tout en bénéficiant d’une protection extrajudiciaire. « L’Eglise a toujours eu le devoir d’analyser et d’interpréter les signes des temps à la lumière de l’Evangile », avait affirmé à l’époque Mgr Fernandez.

« C’est un évêque qui a pris soin de son troupeau et qui a avancé avec l’ensemble du peuple malaisien, indépendamment des différentes appartenances religieuses de celui-ci. Il a renforcé le dialogue interreligieux, il est proche des plus pauvres, c’est un homme d’une grande force spirituelle », ajoute le jésuite. « Il a le style du pape François, son humilité – il se déplace en bus, marche dans les villages pour rencontrer les gens, mange avec eux, il les considère comme sa propre famille », précise le P. Patrick Ryan, qui l’a connu comme recteur du séminaire de Penang, lorsqu’il était lui-même séminariste.

Pourquoi un cardinal non électeur pour la Malaisie ?

Pourquoi un tel choix pour la Malaisie, alors que Mgr Fernandez, âgé de plus de 80 ans, ne comptera pas au nombre des cardinaux électeurs lors d’un éventuel prochain conclave ? D’après le cardinal indien Telesphore Toppo, archevêque de Ranchi, cette pourpre cardinalice accordée à un prélat malaisien « a été donnée à titre honorifique, pour remercier Mgr Fernandez de tout le travail qu’il a accompli ces dix dernières années, notamment en vue de l’établissement de relations diplomatiques entre le Saint-Siège et la Malaisie ». En janvier 2013, le Vatican a ainsi pu envoyer son premier nonce apostolique en Malaisie, Mgr Joseph Marino, la Malaisie accréditant son premier ambassadeur auprès le Saint-Siège, cette année, en 2016. L’archidiocèse de Kuala Lumpur est actuellement dirigé par Mgr Julian Leow Beng Kim, âgé de 52 ans et ordonné évêque en octobre 2014.

« La création de deux nouveaux cardinaux pour le Bangladesh et la Malaisie montre que le pape pose des choix délibérés vers les périphéries. Cela démontre aussi l’amour et l’attention qu’il porte à l’Asie, et ces nominations aideront et viendront renforcer la Fédération des Conférences épiscopales d’Asie (FABC) », a déclaré à l’agence Ucanews, Mgr Oswald Gracias, archevêque de Bombay et actuel président de la FABC.

Pour Mgr Telesphore Toppo, « le Vatican regarde vers l’Asie du fait de la croissance de l’Eglise catholique dans cette vaste région du monde, qui rassemble 12 % des 1,2 milliard de catholiques. Les deux-tiers de la population de la planète vivent en Asie, l’Eglise ne peut ignorer ce continent ». L’évêque indien souligne aussi que « la mission est la première des priorités de l’Eglise » et qu’en Asie, elle connaît actuellement « des temps difficiles », du fait de la montée des fondamentalismes religieux, la Malaisie ne faisant pas exception à cette tendance.

Avec ces nouvelles nominations, la FABC compte désormais 22 cardinaux, dont 15 cardinaux âgés de moins de 80 ans qui se trouvent donc en position d’électeurs en cas de conclave à Rome, pour la succession du pape François. Sur ces 15 cardinaux, sept cardinaux proviennent d’Inde ou des Philippines.

La Malaisie, pays musulman à près de 60 %, compte 28 millions d’habitants. Les chrétiens représentent la troisième religion du pays, derrière le bouddhisme, et rassemblent 2,6 millions de fidèles (dont un peu plus d’un million de catholiques, soit 3,7 % de la population malaisienne).

L’Eglise catholique en Malaisie compte trois archidiocèses – Kuala Lumpur, Kuching et Kota Kinabalu – et six diocèses – Melaka-Johor, Penang, Sibu, Miri, Keningau et Sandakan.

(Source: Eglises d'Asie, le 13 octobre 2016)