Eglises d’Asie, 10 juin 2010 – Malgré un taux de croissance économique relativement important et une nouvelle politique tendant à aligner le salaire minimum sur les prix réels, les conditions de vie de la classe ouvrière au Vietnam restent extrêmement difficiles, principalement à cause d’une rémunération très peu élevée, même si on la compare à celle des ouvriers de pays voisins comme la Chine populaire. Telles sont les conclusions d’une analyse présentée par Radio Free Asia (RFA) sur le sujet (1). La même analyse fait également remarquer que beaucoup de chefs d’entreprise imposent à leur personnel des conditions de travail très strictes dont les conséquences se font sentir jusque dans leur vie familiale.

Depuis plus d’une dizaine d’années, les grèves se succèdent dans certains secteurs. A diverses époques, elles ont même été très nombreuses et ont éclaté sur l’ensemble du territoire vietnamien. Cependant, elles touchent plus particulièrement les entreprises privées à capitaux étrangers. Tout récemment, environ 2 000 ouvriers de Sambu Vina, une entreprise à capitaux 100 % coréens, située à Hoc Mon (Hô Chi Minh-Ville), ont lancé une grève qui, le 9 juin 2010, en était à son deuxième jour. La presse officielle a annoncé que, pour le seul mois d’avril dernier, sur le territoire national, il y avait eu douze grèves ouvrières, dont celle de l’entreprise coréenne Carimax Saigon, établie à Cu Chi et spécialisée dans la confection de valises, sacs et autres objets. Peu de temps auparavant, à Tra Vinh, 10 000 ouvriers d’une entreprise taïwanaise avait également cessé le travail.

Selon les déclarations des grévistes, la principale raison de ce mécontentement ouvrier est le niveau extrêmement bas d’un salaire qui, aujourd’hui, ne suffit pas à garantir la subsistance des familles. Par leur grève, les ouvriers revendiquent également une attitude des responsables patronaux plus respectueuses de leurs employés, une amélioration des repas servis dans la cantine de l’entreprise, une diminution des rythmes de travail, etc.

Avec l’accélération de l’urbanisation et l’industrialisation de l’agriculture, des dizaines de milliers de paysans ont quitté leur terre et sont venus dans les villes y chercher de quoi faire vivre leur famille. Mais le salaire reçu est extrêmement bas en rapport avec le coût de la vie. Interrogé par un journaliste de RFA, une directrice du personnel d’une entreprise coréenne de la zone industrielle du Dong Nai (qui a voulu rester anonyme) a déclaré que le salaire minimum mensuel versé par son entreprise était de 1 300 000 dongs (ce qui correspond à 57,35 euros), somme vite épuisée par les frais de loyer, d’électricité, d’eau, de gaz, etc. La même personne a ajouté aussi que son entreprise fournissait une petite aide supplémentaire à ses employés pour le logement, l’essence, ou en cas de maladie ou d’accident. Ces aides ont pour but d’inciter les ouvriers les plus compétents et les plus expérimentés à ne pas quitter leur place pour une autre mieux payée. Mais, d’une façon générale, l’entreprise coréenne ne mène pas une véritable politique sociale à l’égard de son personnel, à cause des conditions économiques difficiles du pays, a indiqué la responsable.

Ngoc Yên, une jeune employée comptable marié à un ouvrier mécanicien de bon niveau, a confié aux journalistes de Radio Free Asia les difficultés matérielles de son couple. « Le réajustement des salaires décidé par le gouvernement, a-t-elle fait remarquer, ne change pratiquement rien à la situation ! » L’inflation entraîne une hausse continue des prix et le réajustement des salaires est loin d’y faire face. Autrefois, 100 000 dôngs permettaient de mettre de la viande et du poisson dans la corbeille de la ménagère. Avec la même somme, aujourd’hui, on ne peut plus se procurer que des légumes et quelques épices. Les récentes hausses de salaires n’ont guère amélioré le niveau de vie des ouvriers. La jeune employée ajoute que pour payer les frais scolaires de ses enfants, elle a été obligée d’avoir recours à ses parents qui ont dû reprendre un nouvel emploi. On peut d’ailleurs constater que les plaintes d’ouvriers et d’employés concernant le faible niveau de leurs salaires remplissent à longueur de colonnes la presse officielle.

Les difficultés financières ne sont pas les seules à soulever les protestations du monde ouvrier vietnamien. Les conditions de travail et en particulier l’attitude arrogante et irrespectueuse adoptée par certains responsables à l’égard du personnel dans des entreprises à capitaux étrangers déclenchent assez régulièrement des mouvements de mécontentement et parfois des arrêts de travail. Une des raisons de cet état de choses est certainement la différence de culture entre les responsables étrangers et les ouvriers vietnamiens. Mais la raison principale est peut-être davantage le flou existant dans les articles du Code du travail sur le sujet.

(1) Emission en vietnamien de Radio Free Asia: http://www.rfa.org/vietnamese/in_depth/Life-of-workers-in-some-private-enterprises-QNhu-06092010145934.html

(Source: Eglises d'Asie, 10 juin 2010)