04/10/2016
Politique extérieure
Ces deux derniers mois, les relations entre les pays de l’ASEAN et la Chine ont continué de dominer la politique étrangère du Cambodge : ...
... * Durant la dernière semaine d’août, sur Facebook, un internaute vietnamien accuse le Premier ministre cambodgien Hun Sen de s’être fait acheter par la Chine : « Le Vietnam a sacrifié et son sang et son argent pour sauver le peuple cambodgien du génocide. Maintenant, Hun Sen lui tourne le dos… Il a mangé le riz puis a uriné dans le bol. » Le Premier ministre, courroucé, réagit dans la demi-heure qui suit, en anglais pour être compris de l’étranger, et demande au gouvernement vietnamien d’arrêter et de punir l’insolent. « Si vous avez des problèmes avec la Chine, cherchez une solution pacifique », écrit-il. Le gouvernement vietnamien prend ses distances par rapport à cette attaque sur les réseaux sociaux (Cambodia Daily - CD, du 01.09.16).
* C’est un fait que depuis plus d’un an de nombreux litiges sont apparus entre les deux pays : construction de plusieurs postes militaires vietnamiens, creusement de mares, construction d’une route dans des zones « blanches », non encore délimitées par le Comité mixte entre les deux pays. En dépit de l’interdiction du Premier ministre cambodgien faite aux paysans de louer des terres frontalières aux paysans vietnamiens, cette pratique continue. Les nombreuses notes diplomatiques envoyées aux autorités cambodgiennes à leurs homologues vietnamiens sont restées sans réponse ; la réunion du Comité mixte du 1er septembre s’est terminée sur un échec. Faut-il y voir une pression vietnamienne sur le Cambodge ? Les observateurs étrangers pensent que du côté cambodgien, cet incident ne signifie pas une défiance du Cambodge par rapport au Vietnam, mais s’inscrit plutôt dans le contexte électoral cambodgien, dans lequel le gouvernement se doit de se montrer intransigeant sur le problème des frontières (CD du 02.09.16).
* Le 29 août, la police confisque 34 cartes d’identité cambodgiennes détenues par des Vietnamiens (CD du 09.09.16).
* Le 6 septembre, les chefs d’Etat des pays de l’ASEAN (Association des Nations du Sud-Est Asiatique) se réunissent pour trois jours à Vientiane (Laos). La Chine, le Japon, la Corée du Sud, la Russie, l’Inde, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et les Etats-Unis y participent en partie. Chaque pays essaye de faire baisser la tension dans la région causée par les revendications territoriales chinoises sur plusieurs îles et îlots en mer de Chine. La déclaration finale ne fait aucune allusion à la décision de la Cour internationale de justice de La Haye, décision que la Chine ne reconnaît pas comme contraignante. Le président Barack Obama voudrait créer un Partenariat transpacifique de commerce et d’investissement (TTIP), et un organisme qui superviserait les rapports entre les pays riverains de l’océan Pacifique. Mais la Chine, ainsi que les deux candidats à la Maison Blanche, s’y opposent.
* Insulté par Rodrigo Duterte, président des Philippines, Barack Obama annule une rencontre avec son homologue philippin. Il plaisante tout de même avec lui (CD du 09.09.16).
* En marge du sommet, comme à lors des rencontres précédentes, la Chine promet des fonds pour de nombreux projets au Cambodge : irrigation, routes, restauration du temple de Préah Vihéar, doublement de ses importations de riz, etc. – ce qui contribue à faire penser que le Cambodge s’est fait acheter par la Chine et d’être « le cheval de Troie » chinois au sein de l’ASEAN. Le 22 août, le Premier ministre cambodgien déclare ne pas vouloir quitter l’ASEAN pour les problèmes de la mer de Chine méridionale (CD du 24.08.16). La position cambodgienne peut se comprendre du fait que le pays, pas plus que la Thaïlande et la Birmanie n’ont de problèmes la Chine concernant les eaux territoriales en mer de Chine. Le Cambodge a rejoint l’ASEAN plus par souci de reconnaissance internationale au sortir de l’occupation vietnamienne que par une volonté de partage d’une destinée commune des pays de la région (CD du 09.09.16).
* Le 6 septembre, à Vientiane, le Premier ministre Hun Sen reçoit le prix de l’Asian Strategy et l’Institut de leadership dont le siège est en Malaisie pour l’action menée durant toute sa vie, notamment pour l’unité de l’ASEAN (CD du 08.08.16).
Politique intérieure
Après son échec électoral (maquillé) de 2013, Hun Sen et le PPC (Parti du Peuple Cambodgien) se sont lancés dans la préparation méthodique des élections des conseillers municipaux de 2017 et des députés en 2018 par un laminage systématique du PSNC (Parti de Salut National Cambodgien) : Sam Rainsy, président du PSNC, poursuivi pour plusieurs plaintes en diffamation, s’est réfugié en France pour fuir la prison ; Kem Sokha, vice-président du PSNC, est sous le coup d’une inculpation, depuis des mois, suite à une conversation par téléphone avec une supposée maîtresse à qui il faisait des promesses financières. Si le fait s’avérait exact, il relèverait de la morale personnelle et non de la politique ; les écoutes téléphoniques non encadrées par une procédure judiciaire sont un procédé parfaitement illégal et répréhensible. Sommé de se rendre à plusieurs reprises à des convocations de la Cour de justice, Kem Sokha refuse de s’y rendre en arguant de son immunité parlementaire. Le 26 mai, les forces de police essayent en vain de l’arrêter. Il vit désormais claustré au siège du parti, gardé par les membres du PSNC. Selon la Licadho (Ligue Cambodgienne de Défense des Droits de l’Homme), il y aurait 19 parlementaires et membres du PSNC actuellement détenus pour des motifs politiques plus que contestables. C’est dans ce contexte qu’il convient de lire la suite du feuilleton tragi-comique suivant.
Haro sur le PSNC (Parti de Salut National Cambodgien)
* Le 8 août, le PSNC dévoile un plan de 67 pages pour former un gouvernement de l’ombre (shadow gouverment) comme cela se fait en plusieurs pays, afin de se préparer à la gestion du pays en cas de victoire en 2018. Le gouvernement interdit cette création comme « illégale » (CD du 11.08.16).
* Le PSNC achète un nouveau terrain pour installer une télévision du Parti, l’ancien emplacement lui étant interdit. Ce terrain coûte 700 000 dollars, mais il lui en manque 200 000 (CD du 11.08.16).
* Le Premier ministre menace Kem Sokha « d’emprisonner à vie ». La poursuite en justice contre Kem Sokha pour avoir parlé à sa maîtresse au téléphone « ne relève pas d’une plainte en justice, mais est une affaire politique qui doit se résoudre d’une manière politique », estime le porte-parole du PSNC. Son Chhay, haut responsable du PSNC, demande à négocier avec Sar Kheng, ministre de l’Intérieur. Ouk Virak estime que ce harcèlement a un effet déterminant sur le PSNC, mais cause aussi du tort au PPC : « Les jeunes sont dégoûtés de la politique, et ne contribue pas à regagner les esprits et les cœurs pour le Parti au pouvoir » (CD du 12.08.16).
* La Cour municipale de Phnom Penh lance une procédure en diffamation contre Sam Rainsy pour avoir insinué que Hun Sen serait derrière le meurtre de Kem Ley.
* Depuis l’assassinat de Kem Ley, le 10 juillet dernier, aucune communication n’est faite sur quelque enquête que ce soit. La version officielle ne convainc personne. On demande, en vain, que soit rendue publique la vidéo surveillance de la boutique où a été assassiné Kem Sokha. Hun Sen est sans doute trop intelligent pour être le commanditaire de ce meurtre, mais cela n’exclut pas des membres trop zélés de son entourage.
* Le 29 août, le général Ku Kim, ancien chef Khmer rouge, chef-adjoint des forces armées et proche conseiller de Hun Sen, assure que l’armée garantira la sécurité de l’Etat et n’hésitera pas à arrêter Kem Sokha s’il en reçoit l’ordre par la Cour de justice. Le 31 août, au moins cinq hélicoptères Z9, cinq vedettes rapides, dont plusieurs armées de mitrailleuses, sont déployés derrière le siège du PSNC où vit reclus Kem Sokha depuis la tentative d’arrestation du 26 mai. Des camions bourrés de soldats masqués patrouillent devant le siège de l’opposition. Le 1er septembre, le porte-parole du ministère de la Défense assure que ce déploiement était un exercice de distribution d’aides d’urgence à des sinistrés et affirme que ce n’est qu’un exercice d’entrainement qui ne visait pas à intimider Kem Sokha ou quelque autre membre du PSNC.
* Dans la nuit du 6 septembre, une grenade éclate dans une rue généralement fréquentée et blesse six personnes. La police accuse, sans preuve, des « anarchistes », alors qu’il s’agit d’une une histoire d’amour qui a mal tourné. Cinq personnes sont arrêtées, plus six autres, puis encore cinq autres, dont plusieurs Vietnamiens (CD du 10.09.16).
* Le 8 septembre, le Sénat, à l’unanimité, moins les sénateurs de l’opposition qui boycottaient la séance et les deux députés nommés par le roi qui étaient indisposés, vote la levée de l’immunité parlementaire de la sénatrice Thak Lany, qui aurait dit dans un discours que Hun Sen avait personnellement ordonné le meurtre de Kim Ley. Elle se défend d’avoir tenu tel propos (CD du 02.09.16). Le 7 août, la sénatrice refuse de se rendre à la convocation (CD du 09.08.16).
* Le même 8 septembre, le Haut Commissariat de l’ONU pour les droits de l’homme exprime ses « préoccupations devant l’accroissement de l’atmosphère d’intimidation des parlementaires, des membres de l’opposition, de la société civile et des manifestants pacifiques au Cambodge ». Dans l’affaire Kem Sokha, le Haut Commissariat note « la faiblesse des charges lancées contre lui et émet de sérieux doutes sur le processus juridique ». Le gouvernement cambodgien considère ces remarques comme des ingérences dans les affaires intérieures d’un Etat (CD du 10. 09.16).
* Le 9 septembre, Kem Sokha est jugé in abstentia, car il n’a pas voulu, ni lui, ni son avocat, se rendre à la convocation. La police empêche les accès à Phnom Penh à de nombreux représentants du PSNC qui se rendaient à la Cour de justice. La fille de Kem Sokha exprime un avis largement partagé par la population : « Le système judiciaire cambodgien s’apparente à un cirque : cela est évident tant pour l’opinion nationale qu’internationale. Le PPC l’utilise comme un instrument pour harasser et faire taire les voix dissidentes. Ils inventent des affaires ridicules contre n’importe quelle personnes qu’ils veulent incarcérer » (CD du 09.09.16). Kem Sokha est condamné à six mois de prison ferme (CD du 10.09.16).
* Le 11 septembre, la direction du PSNC envisage d’organiser des manifestations de masse, « comme en 2013 et en 2004 » affirme Sam Rainsy depuis Paris, pour demander le retour à un environnement politique normal. « Les défenseurs des droits de l’homme, les défenseurs des droits des gens spoliés de leurs terres, les défenseurs de l’environnement, et l’opposition doivent user de leurs droits », écrit Sam Rainsy. Le gouvernement décrète qu’aucune manifestation ne sera tolérée, et qu’en cas de manifestation, elle serait empêchée « par tous les moyens ». Amnesty International stigmatise la campagne d’intimidation menée contre la société civile et les hommes pacifique, « en les persécutant pour des motifs frivoles afin de les punir, les isoler et de marginaliser tout dissident pacifique » (CD du 12.09.16). Le Canada, qui envisageait hypothétiquement de reprendre son aide au Cambodge, dénonce le procès de Kem Sokha comme dénué de transparence. Le 13 septembre, le 33ème Comité de droits de l’homme l’ONU réuni à Genève émet une condamnation nette de la situation au Cambodge. Trente-six pays approuvent cette déclaration.
* Le soir du 12 septembre, Hun Sen apparaît en tenue militaire, entouré des chefs de l’armée. « C’est plus sérieux qu’une menace », annonce-t-il. Effectivement, le lendemain matin, 30 à 40 camions bourrés de soldats masqués et lourdement armés, stationnent devant le siège du PSNC où est réfugié Kem Sokha pour prévenir « toute manifestation illégale qui risquerait de détruire l’ordre social ». « On est en plein paranoïa », écrit Sam Rainsy depuis Paris. Le porte-parole du gouvernement déclare que le Parti a appris la leçon de 2013, quand les manifestations de masse ont voulu renverser la démocratie, en contestant le résultat des élections (CD du 17.09.16).
* Le 18 septembre, Kem Sokha déclare à 400 jeunes supporters sa volonté de vouloir abandonner sa politique pacifique de ne pas répondre aux attaques : « Nous ne pouvons pas rester à dormir et attendre que quelqu’un vienne nous lier les mains et les pieds, puis nous étouffer… Nous devons nous désormais nous défendre et répondre aux coups du PPC... Nous ne voulons pas conduire une révolution, nous ne voulons pas faire un coup d’Etat, mais simplement achever notre mandat. » (CD du 19.09.16)
* Le 19 septembre, le Premier ministre Hun Sen assure qu’il « éliminera » tout opposant qui osera lancer des manifestations contre son gouvernement. La menace est on ne peut plus claire : « Dans les 36 minutes, les forces de l’air de terre et de la marine sont capables d’intervenir où que ce soit. » Il affirme que c’est lui même qui a donné l’ordre du déploiement de des forces armées autour de la maison de Kem Sokha. Il déclare cependant vouloir continuer à négocier avec le PSNC pour régler les menaces de protestation. Le PSNC lui fait remarquer que puisque l’immunité de ses parlementaires est bafouée, le peuple n’a plus d’autres moyens que de manifester pour faire entendre sa voix (CD du 16.09.16).
* Le 20 septembre, le bruit courait que les parlementaires du PNSC mettaient fin à leur boycott de l’Assemblée, commencé lors de la tentative d’arrestation de Kem Sokha, le 26 mai. Le PSNC aurait abandonné toutes ses revendications. De Paris, Sam Rainsy, et à Phnom Penh, Sonn Chhay au nom du PSNC, précisent le lendemain que le boycott de l’Assemblée continue, mais que les travaux en commission sont assurés. La fin du boycott demande une « solution globale qui donnerait confiance aux parlementaires du PSNC » (CD du 22.09.16).
* Le 22 septembre, Ny Charya est condamné à six mois de prison et à 1 500 dollars d’amende, pour avoir dénoncé, les 18 et 20 mai 2015, l’incarcération de deux agriculteurs accusés d’avoir déboisé illégalement des terres dans le district de Varin (Province de Siemréap). Même le procureur général de la Cour d’appel avait reconnu alors, des « irrégularités de procédure ». Il est donc condamné pour « avoir porté préjudice à la crédibilité et à la réputation de la Cour ».
Ancien membre de ADHOC (Association de Défense des Droits de l’Homme au Cambodge), en janvier dernier, il avait été nommé membre du CNE (Comité National Electoral), comme contrepoids à la suprématie du PPC dans cet organisme. Il a été emprisonné avec quatre autres membres d’Adhoc, pour subordination de témoin, ayant payé les frais de procédure à la supposée maîtresse de Kem Sokha (218 dollars)… Hang Puthéa, porte-parole du CNE, déclare que Ny Chariya ne peut plus exercer ses fonctions de vice-secrétaire général du CNE. Un empêcheur de tourner en rond est donc éliminé. Les observateurs internationaux dénoncent ce verdict comme une attaque contre la société civile et les associations de défense des droits de l’homme. Le Haut Commissariat de l’ONU déclare que « ce verdict montre l’urgente nécessité d’une réforme du système judiciaire cambodgien » (CD du 23.09.16).
Listes électorales
* 9,6 millions d’électeurs doivent se faire inscrire sur les listes électorales. Plus d’un million de travailleurs partis à l’étranger doivent revenir au pays pour s’inscrire et voter. Les élections des conseillers municipaux des 1 644 communes (dont 11 nouvelles) se dérouleront le 4 juin 2017, et celles des députés, le 29 juillet 2018. L’enregistrement des électeurs continuera lors des fêtes du Pchum Ben (1er octobre), fête où traditionnellement les travailleurs reviennent au village pour célébrer leurs défunts (CD du 09.08.16).
* Les observateurs du PSNC dans les bureaux d’enregistrement des électeurs de Siemréap affirment que 600 soldats basés dans les provinces d’Oddar Méan Chhey et de Préah Vihéar se sont inscrits sur les listes électorales des districts qui ont voté contre le PPC en 2013. Environ 400 Vietnamiens sont inscrits sur les listes électorales sans présenter de carte de nationalité (CD du 19.09.16).
* Un chercheur de l’université de Harvard place le Cambodge au 145ème rang sur 153 des pays au système électoral le moins bon (CD du 24-25.09.16).
* D’après le ministère de l’Intérieur, après deux mois de recherche, portant sur 2 600 feuilles des 10 036 de la pétition portée au Roi en juin dernier, on relèverait 80 502 inexactitudes : 1 623 personnes seraient absente du lieu où elles auraient imposé leurs empreintes, 43 empreintes auraient été reproduites plus de 100 fois, 127 personnes auraient été forcées… Le PSNC n’est pas étonné, car aucune ONG neutre n’a été invitée à cette vérification unilatérale (CD du 06.08.16). C’est un fait que l’on n’entendra plus reparler.
* Le 5 septembre, en dépit des interdictions gouvernementales, une délégation du PSNC porte une pétition à treize ambassades des pays signataires des accords de Paris de 1991 pour demander que ces Accords soient respectés. Ils veulent ainsi faire diminuer la tension politique. Le lendemain, le ministre de l’Intérieur accuse le PSNC « de détruire la démocratie » par cette démarche, L’ambassadeur du Japon se déclare « concerné par l’escalade de la tension politique au Cambodge ». Le 24 septembre, Prak Sokhom, ministre des Affaires étrangères défend son pays devant l’ONU des accusations qui lui sont portées : « Il est irréaliste d’envisager une démocratie parfaite, avec une opposition qui commet ouvertement des crimes » (CD du 24-24.09.16).
Mécontentement populaire
* Plus de 50 villageois en colère entourent un campement militaire de Prey Prasap (Kratié) pour récupérer deux camions chargés de poteaux servant à la culture du poivre que les militaires leur avaient confisqués pour absence de papiers. Les villageois tirent ces camions hors du campement, et se saisissent de deux autres camions militaires. Ce fait divers indique cependant que les villageois n’ont plus peur de l’armée (CD du 04.08.16).
* Tous les lundis, depuis 19 semaines, les femmes habillées de noir manifestent pour demander la libération des quatre membres de Adhoc et du membre du CNE arrêtés arbitrairement dans l’affaire Kem Sokha. En août, Tep Vanny est arrêtée lors d’une de ces manifestations. Le 4 septembre, lors d’une manifestation pacifique pour demander une enquête sur le meurtre de Kem Ley, six personnes lançaient des ballons devant la prison de Prey Sâr pour demander également la libération de Tep Vanny, sont arrêtées puis relâchées ainsi que quatre vendeurs de ballons (CD du 05.09.16).
* Le 19 septembre, Mme Tep Vanny et trois autres manifestantes de novembre 2011, qui demandaient alors que 94 familles expulsées du Boeng Kak reçoivent un lot de terrain promis par le Premier ministre, sont condamnées à six mois de prison, quatre ans après les faits. « On nous accuse d’avoir lance des pierres aux policiers, alors que ce sont plus de 100 soldats qui nous ont attaquées » (CD du 19.09.16).
Economie
* Une société indienne Mesco Gold, obtient l’autorisation d’exploiter le sous-sol du district de O Yadau, dans la province de Mondolkiri. Les villageois protestent à cause des retombées négatives sur leur environnement (CD du 02.16)
* Le prix du riz est anormalement bas à l’achat auprès des producteurs (passé de 250 dollars à 193 dollars la tonne en début septembre). Les riziculteurs protestent en déversant 100 tonnes de riz sur la nationale 5. De riches cambodgiens patrons de décortiqueries seraient en partie responsables du problème. Le gouvernement autorise le déblocage de 27 millions de dollars, dont sept de la Banque de Développement rural, pour acheter le riz aux producteurs à un prix correct, et demande 300 millions d’aide à la Chine pour construire des silos de stockage, des décortiqueries et autres infrastructures. Le riz cambodgien vient d’ailleurs de recevoir le prix du meilleur riz au monde. Les producteurs doivent rembourser des prêts aux institutions de micro-finance qui prêtent à des taux usuriers. L’opposition demande une loi qui contrôlerait ces institutions. Le ministre de l’Agriculture accuse la Vietnam et la Thaïlande de baisser leurs prix. Cependant les usines de raffineries de riz se plaignent du prix trop élevé de l’électricité par rapport aux pays voisins : le gouvernement devrait distribuer des semences à haut rendement, développer le système d’irrigation pour permettre plusieurs récoltes par an, et augmenter les taxes d’importation du riz de l’étranger (CD du 22.09.16). Le 22 septembre, Premier ministre demande la générosité des « riches hommes d’affaires » pour aider ce secteur en difficulté et les félicite publiquement : « certains ont acheté 10 tonnes, 20 et 5 tonnes ». 7 000 tonnes ont été ainsi achetées depuis le déblocage de 27 millions de dollars. Certains l’accusent de manœuvre électorale (CD du 23.09.16).
Dons et investissements
* La valeur des 1 753 projets de construction approuvés a presque doublé par rapport à l’année dernière pour atteindre 7,2 milliards de dollars durant les huit premiers mois de l’année (3.3 milliards pour la totalité de 2015, pour 2 305 projets). La société Thai Boon Rong envisage la construction d’une tour-double de 133 étages. Cependant, si la construction de condominium a progressé de 50 % durant les six derniers mois, la vente des unités a baissé de 30 % par excès des offres par rapport aux demandes. A Phnom Penh, selon le directeur financier du ministère des Finances, le ministère a accordé 167 permis de construire pour habitations, 63 condominium et 104 cités fermées. « Entre 10 et 20 % des projets sont lancés sans autorisation » (CD du 09.09.16).
* Durant la première moitié de l’année 2015, 250 sociétés japonaises (19 sociétés enregistrées en 2010), ont investi en 94 projets. C’était alors le troisième pays investisseur après la Chine (1 055 sociétés) et la Corée du Sud (278). 2 500 ressortissants japonais vivent au Cambodge. Leurs enfants disposent d’une école japonaise. Ils ont créé plus de 150 restaurants. Durant la même période de 2016, le Japon a investi en 79 projets, lancés par pour une valeur de 1,87 milliards de dollars, soit la moitié de ses investissements de 2015 (CD du19.08.16).
* Par décret en date du 17 août, une société privée est accréditée par le ministère du Travail pour délivrer des permis de travail pour les étrangers par Internet. Les étrangers doivent se faire enregistrer avant le 30 novembre pour la somme de 30 dollars. Cette mesure assurera la crédibilité du Cambodge auprès des sociétés étrangères (CD du 01.09.16).
* A partir du 1er février 2016, le ticket pour la visite des temples d’Angkor passer de 20 à 37 dollars pour un jour, de 40 à 62 pour trois jours et de 60 à 72 pour une semaine. Deux dollars sont prélevés pour l’hôpital pédiatrique de Kamthéa Bopha. Cette augmentation correspond au rattrapage de l’inflation, et correspond aux autres prix de visite dans le monde (CD du 08.08.16).
Société
Mouvements sociaux
* Réalité cruelle devenue banale : le 3 août, un camion qui transportait au moins 50 ouvrières d’usine textile se renverse près de Kompomg Speu et fait 39 blessées dont 12 sérieusement (CD du 04.08.16). Le 8 août, un autre camion se renverse, causant la mort d’une ouvrière et en blessant dix autres, dans la province de Kompong Chhnang. Le même jour, deux camions transportant des ouvrières à Bavet (province de Svay Rieng se renversent, et font une douzaine de blessées, dont quatre sérieusement (CD du 10.08.16).
* Dix-sept représentants de syndicats, le patronat et le ministère du Travail négocient une augmentation des salaires des 600 000 ouvriers de l’industrie textile. Les salaires mensuels sont actuellement de 140 dollars. Les syndicats proposent 179,60 dollars. Le patronat propose une augmentation de 4,20 dollars. Le patronat fait remarquer qu’une augmentation annuelle de 30 % met en péril leur compétitivité par rapport au Bengladesh et au Vietnam. L’OIT (Organisation Internationale du Travail) fait remarquer que la productivité par travailleur a baissé par suite de la montée des coûts de production, combinée avec le prix d’achat par les acheteurs étrangers qui n’a pas bougé. Après des discussions infructueuses, la décision est remise entre les mains du ministère du Travail.
* Durant les deux derniers mois, on signale plusieurs retours de travailleuses parties en Malaisie : le 3 août, six Cambodgiennes emprisonnées dans ce pays, sont rapatriées. Dix-huit autres sont libérées de prison à Kuala Lumpur. L’ambassade du Cambodge en Malaisie est chargée d’enquêter sur d’autres incarcérations et mauvais traitements. Plusieurs sont rapatriées de Chine en portant l’enfant de l’homme avec lequel elles ont été forcées de se marier (CD du 12.08.16). Il y aurait plus de 7 000 femmes cambodgiennes vivant avec des Chinois, dont 6 900 sans papiers (CD du30.08.16).
* Le 13 septembre, une Cambodgienne de 28 ans, employée en Corée du Sud, est sauvagement battue par son employeur chinois. L’ambassade du Cambodge à Séoul demande que l’auteur des coups et blessures soit arrêté (CD du 18.09.16).
* Selon le ministère de l’Intérieur, 160 000 migrants sans papiers, en majorité vietnamiens, vivraient au Cambodge (CD du 22.08.16)
Expulsions-concessions-déforestation
* Les disputes concernant des confiscations de terrains accordés en concession continuent : 147 familles de Srè Ambel (Koh Kong) manifestent pour demander des compensations ou le retour de 82 hectares concédés en 2006 (CD du 05.08.16).
* Le sénateur Ly Yong Phat, auteur d’expropriations dans la région d’Aural annonce le 11 août qu’une solution a été trouvée : il donnera une compensation comprise entre 1 000 et 5 000 dollars à 313 familles en possession de titres de propriété, celles qui n’en ont pas recevront 500 dollars (CD du 12.08.16).
* Le Premier ministre fustige des promoteurs à qui des îles côtières ont été accordées en concession, et qui ne les ont pas mises en développement. Les habitants de ces îles et les pêcheurs demandent l’annulation de ces concessions (CD du 05.08.16).
* Le 21 septembre, des douzaines de personnes de Sihanoukville expulsées du terrain où elles vivaient bloquent la route nationale. Ils se dispersent suite à une promesse de relogement (CD du 22.09.16).
* Le 17 août, par Facebook, le Premier ministre rend des terrains à 31 familles de Takéo expulsées pour vivre sur des propriétés de l’Etat. Il invite d’autres expulsés à faire la même démarche par l’intermédiaire de Facebook (CD du 18.08.16).
Déforestation
* En dépit de l’interdiction du Premier ministre, le trafic illégal de bois avec le Vietnam continue : selon les données douanières recueillies par Forest Trend, association basée aux Etats-Unis, durant les six premiers mois de l’année, le trafic aurait généré 71 millions de dollars, pour 88 000 m3 (CD du 08.08.16).
* Pen Bonnar, de ADHOC, accuse devant le tribunal provincial de Kratié deux hommes d’affaires, Lim Bunna et Buot Bun Eng d’avoir coupé 3 210 hectares de forêt dans la région de Prey Prasap (province de Kratié) pour y planter des hévéas (CD du 12.08.16).
Santé
* On signale de très fréquentes arrestations de trafiquants de drogue, en possession de quantités impressionnantes, destinées spécialement au Vietnam.
* Le 12 août, le directeur technique de la Santé de Phnom Penh saisit deux ambulances appartenant à la populaire chaîne ABC, écoutée part un tiers des Cambodgiens, pour manque de papiers, pour absence de personnel médical approprié, et pour transport de matériel divers. Bunveng, alias AjaA, traite les policiers de noms d’oiseaux, sans être accusé de dénigrement... Le directeur de la Santé serait d’accord de redonner les ambulances à condition que le fautif lui présente des excuses écrites. Le lendemain, le Premier ministre démet le chef de la police de ses fonctions, redonne les ambulances et en ajoute deux autres qui transporteront, entre autres, les cadavres des familles pauvres. Deux pour plus tard, le directeur technique reçoit une promotion... Les observateurs parlent de la gestion du pays par « Facebook », à l’émotion plus qu’à la rationalité (CD du 16.08.16).
Education
* Sur les 93 752 élèves enregistrés pour passer leur baccalauréat, 55 753 l’ont réussi, soit 62 %, dont 404 avec la mention Très Bien. En 2014, date à laquelle le ministre de l’Education nationale a décidé de supprimer la triche et la corruption lors de cet examen, il n’y avait eu que 40 % de réussite dont 11 Très Bien. L’an dernier, le taux de réussite était de 56 %, dont 108 avec la mention Très Bien. Le 21 septembre, les lauréats de la mention Très Bien ont été reçus par le Premier ministre qui leur a remis une tablette Samsung et 500 dollars. Les directeurs des 141 écoles dont ils sont issus, ont reçu personnellement 250 dollars, et 750 dollars pour leur école. Il reste cependant beaucoup à faire pour améliorer la qualité de l’enseignement et la suppression des « cours » donnés par les professeurs durant les heures de classe aux élèves pouvant les payer (CD du 22.09.16).
Divers
* On découvre régulièrement des bombes ou obus non explosés : le 3 août, une bombe de 250kg dans une carrière à Kompong Speu ; en mars le CMAC (Centre de déminage cambodgien) a désamorcé quatre obus de 105 et une bombe de 250 kg près de Phnom Penh. On estime que 300 barges ont été coulées sous le feu des Khmers rouges, dont certaines avec des munitions (CD du 04.08.16).
* Le 1er septembre, un paysan de province la Battambang est tué par une mine antitank qu’il a heurtée en labourant son champ. Ces accidents sont relativement fréquents. Plus de 50 personnes ont été tuées ou blessées par mine durant les six premiers mois de l’année. Il y en a eu 111 en 2015 et 154 en 2014 (CD du 03.09.16).
* Le moine Bun Bun Teng reçoit une médaille du Premier ministre Hun Sen. Le moine l’acceptera a trois conditions concernant l’assassinat de Kem Ley : que soit rendue publique la vidéosurveillance de la station d’essence ; que la justice soit assurée à la famille de Kem Ley ; qu’il aie le droit d’organiser la cérémonie des 100 jours à Phnom Penh sans avoir à en demander d’autorisation. Le frère de Kem Ley déclare cependant que la famille préférerait une cérémonie à Takéo (CD du 19.09.16). (eda/ra)
(Source: Eglises d'Asie, le 4 octobre 2016)