Eglises d’Asie, 10 septembre 2010 – Voilà cinquante-cinq ans décédait le P. Léopold Michel Cadière après avoir consacré soixante-trois ans de sa vie au Vietnam dans l’archidiocèse de Huê et laissé derrière lui une œuvre considérable sur la culture vietnamienne. Ses recherches et études étaient déjà bien connues de son vivant dans les milieux spécialisés. Ce n’est pourtant que depuis quelques années que se manifeste pour lui un renouveau d’intérêt au Vietnam, dans l’Eglise catholique, mais aussi dans les milieux officiels et universitaires.
L’archidiocèse de Huê, la Commission épiscopale de la culture et le « Club Paul Nguyên Van Binh » ont profité de cet anniversaire pour organiser, du 7 au 9 septembre dernier, un colloque sur sa vie et son œuvre. Mgr Pierre Nguyên Van Nhon, président de la Conférence épiscopale, Mgr Etienne Nguyên Nhu Thê, archevêque du lieu, de nombreux évêques ainsi que des représentants des autorités civiles, des érudits, beaucoup de prêtres, de religieux, de religieuses et de laïcs étaient venus participer à cette manifestation. Le colloque s’est déroulé au Centre pastoral de l’archidiocèse dont les 600 places étaient toutes occupées. Durant la première journée, après l’introduction de l’archevêque du lieu, plusieurs aspects des recherches et de la vie du P. Léopod Cadière ont été mis en relief par divers intervenants, parmi lesquels le P. Jean-Baptiste Etcharren, ancien supérieur des Missions Etrangères de Paris (MEP), société à laquelle appartenait le P. Cadière. Dans la matinée du deuxième jour, les participants sont allés prier et se recueillir au grand séminaire, auprès duquel est enterré le P. Cadière, avant de revenir au Centre pastoral écouter les dernières conférences.
Arrivé, jeune prêtre, au Vietnam en 1892, le P. Cadière y est mort en 1955 à l’âge de 86 ans. Entre-temps, parallèlement à une vie missionnaire bien remplie au service d’un certain nombre de chrétientés du diocèse de Huê, il a mené des activités de recherche dont les résultats ont été appréciés dès leur parution. Il commença par enseigner au séminaire diocésain, puis se vit confier un certain nombre de paroisses parmi lesquelles celle de Tam Toa – où a eu lieu récemment un violent conflit entre les autorités et la communauté catholique (1) – et surtout Di Loan, où il resta vingt-sept ans (1918-1945). Il fut ensuite amené par les forces vietminh en résidence surveillée dans le diocèse de Vinh avec six de ses confrères. Il y restera plus de six ans. A sa libération, en juin 1953, il refusera de revenir en France et s’installera à Huê jusqu’à sa mort le 6 juillet 1955.
Ses recherches, qu’il a entamées dès son arrivée en mission et qu’il n’a jamais abandonnées au cours de sa vie, ont couvert le vaste champ de la culture vietnamienne. Il a parcouru celle-ci de bout en bout, dans tous ses domaines: l’histoire récente et ancienne, la langue sous ses aspects phonologiques, syntaxiques comme sémantiques, toutes les manifestations de la culture populaire, les religions, etc. Cette richesse de perspective et la largeur de vue de ces recherches ont été respectées grâce à la multiplicité des approches choisies par les divers orateurs.
En guise d’introduction, l’archevêque de Huê a situé le missionnaire dans le contexte de son diocèse et de l’histoire de la mission. Le président de la Commission de la culture, Mgr Vu Duy Thông, a ensuite tracé un portrait d’un homme qui avait réussi à être à la fois un missionnaire zélé, un scientifique rigoureux et un homme passionné de culture. Dans un exposé de grande ampleur, le nouvel évêque de Vinh, Mgr Nguyên Thai Hop, a présenté l’expérience missionnaire du P. Cadière comme un modèle d’annonce de l’Evangile répondant aux exigences de l’adaptation culturelle. Sa valeur exemplaire devrait être reconnue par l’Eglise du Vietnam. On entendit ensuite l’exposé de l’historien Dao Hung qui non seulement présenta l’apport scientifique du prêtre des Missions Etrangères dans le contexte des efforts déployés par l’Ecole française d’Extrême-Orient, mais rappela aussi les importantes contributions, en ce même domaine, de certains de ses confrères, comme François-Marie Savina pour le nord-ouest du Vietnam, ou encore plus tard, de Jacques Dournes pour les ethnies minoritaires des Hauts Plateaux du centre. L’intervenant suivant, le professeur Tran Van Toan, venu de France, traita de la conception de l’univers et de l’homme, propre à la culture vietnamienne et telle que l’a décrite le P. Cadière. Un second spécialiste, Nguyên Huu Châu Phân, s’attacha ensuite à décrire le regard porté par le missionnaire sur la ville impériale de Huê pour laquelle il avait créé « l’Association des amis du Vieux Huê », dont le bulletin fut vite réputé et qui reste, aujourd’hui encore, une mine incomparable d’informations sur cette ville et sur l’histoire de la culture du Vietnam (2). L’exposé du P. Jean-Baptiste Etcharren, prononcé en vietnamien, avait pris pour titre: « Léopold Cadière, image d’un missionnaire et conseils pour les nouvelles générations missionnaires ». L’ancien supérieur des Missions Etrangères de Paris s’est appliqué à montrer comment la foi et la vie spirituelle ont été les fondements des choix et des activités du P. Cadière.
Dans l’après-midi du deuxième jour et durant le troisième jour, de nombreux exposés se sont succédé, émanant de prêtres, d’écrivains, d’érudits, de spécialistes en linguistique ou en anthropologie, dont beaucoup n’étaient pas catholiques. Il est malheureusement impossible de relater ici le contenu de toutes ces conférences (3), parmi lesquelles celle du P. Gérard Moussay (MEP), qui a été lue en l’absence de son auteur retenu en France. Elles ont fait découvrir l’étendue des connaissances et des recherches du P. Cadière, mais aussi la richesse et la profondeur de cette culture vietnamienne qui a fasciné le missionnaire.
(1) Voir EDA 512, 513
(2) L’œuvre du P. Léopold Cadière est fort importante. La bibliographie rédigée par le service des archives des Missions Etrangères de Paris (« Dossier Cadière ») comporte neuf pages de titres. Une grande partie de sa production a été publiée sous forme d’articles dans diverses revues scientifiques, telles le Bulletin de l’Ecole française d’Extrême-Orient, le Bulletin des amis du Vieux Huê, Anthropos, etc. Beaucoup de ces textes ont été rassemblés dans les trois volumes de l’ouvrage intitulé: Croyances et pratiques religieuses des Vietnamiens, Hanoi, Imprimerie d’Extrême-Orient, 1944-57.
(3) On peut déjà trouver le texte original en vietnamien de nombre des conférences prononcées pendant le colloque sur le site de l’archidiocèse de Huê à l’adresse suivante: http://tonggiaophanhue.net/
(Source: Eglises d'Asie, 10 septembre 2010)
L’archidiocèse de Huê, la Commission épiscopale de la culture et le « Club Paul Nguyên Van Binh » ont profité de cet anniversaire pour organiser, du 7 au 9 septembre dernier, un colloque sur sa vie et son œuvre. Mgr Pierre Nguyên Van Nhon, président de la Conférence épiscopale, Mgr Etienne Nguyên Nhu Thê, archevêque du lieu, de nombreux évêques ainsi que des représentants des autorités civiles, des érudits, beaucoup de prêtres, de religieux, de religieuses et de laïcs étaient venus participer à cette manifestation. Le colloque s’est déroulé au Centre pastoral de l’archidiocèse dont les 600 places étaient toutes occupées. Durant la première journée, après l’introduction de l’archevêque du lieu, plusieurs aspects des recherches et de la vie du P. Léopod Cadière ont été mis en relief par divers intervenants, parmi lesquels le P. Jean-Baptiste Etcharren, ancien supérieur des Missions Etrangères de Paris (MEP), société à laquelle appartenait le P. Cadière. Dans la matinée du deuxième jour, les participants sont allés prier et se recueillir au grand séminaire, auprès duquel est enterré le P. Cadière, avant de revenir au Centre pastoral écouter les dernières conférences.
Arrivé, jeune prêtre, au Vietnam en 1892, le P. Cadière y est mort en 1955 à l’âge de 86 ans. Entre-temps, parallèlement à une vie missionnaire bien remplie au service d’un certain nombre de chrétientés du diocèse de Huê, il a mené des activités de recherche dont les résultats ont été appréciés dès leur parution. Il commença par enseigner au séminaire diocésain, puis se vit confier un certain nombre de paroisses parmi lesquelles celle de Tam Toa – où a eu lieu récemment un violent conflit entre les autorités et la communauté catholique (1) – et surtout Di Loan, où il resta vingt-sept ans (1918-1945). Il fut ensuite amené par les forces vietminh en résidence surveillée dans le diocèse de Vinh avec six de ses confrères. Il y restera plus de six ans. A sa libération, en juin 1953, il refusera de revenir en France et s’installera à Huê jusqu’à sa mort le 6 juillet 1955.
Ses recherches, qu’il a entamées dès son arrivée en mission et qu’il n’a jamais abandonnées au cours de sa vie, ont couvert le vaste champ de la culture vietnamienne. Il a parcouru celle-ci de bout en bout, dans tous ses domaines: l’histoire récente et ancienne, la langue sous ses aspects phonologiques, syntaxiques comme sémantiques, toutes les manifestations de la culture populaire, les religions, etc. Cette richesse de perspective et la largeur de vue de ces recherches ont été respectées grâce à la multiplicité des approches choisies par les divers orateurs.
En guise d’introduction, l’archevêque de Huê a situé le missionnaire dans le contexte de son diocèse et de l’histoire de la mission. Le président de la Commission de la culture, Mgr Vu Duy Thông, a ensuite tracé un portrait d’un homme qui avait réussi à être à la fois un missionnaire zélé, un scientifique rigoureux et un homme passionné de culture. Dans un exposé de grande ampleur, le nouvel évêque de Vinh, Mgr Nguyên Thai Hop, a présenté l’expérience missionnaire du P. Cadière comme un modèle d’annonce de l’Evangile répondant aux exigences de l’adaptation culturelle. Sa valeur exemplaire devrait être reconnue par l’Eglise du Vietnam. On entendit ensuite l’exposé de l’historien Dao Hung qui non seulement présenta l’apport scientifique du prêtre des Missions Etrangères dans le contexte des efforts déployés par l’Ecole française d’Extrême-Orient, mais rappela aussi les importantes contributions, en ce même domaine, de certains de ses confrères, comme François-Marie Savina pour le nord-ouest du Vietnam, ou encore plus tard, de Jacques Dournes pour les ethnies minoritaires des Hauts Plateaux du centre. L’intervenant suivant, le professeur Tran Van Toan, venu de France, traita de la conception de l’univers et de l’homme, propre à la culture vietnamienne et telle que l’a décrite le P. Cadière. Un second spécialiste, Nguyên Huu Châu Phân, s’attacha ensuite à décrire le regard porté par le missionnaire sur la ville impériale de Huê pour laquelle il avait créé « l’Association des amis du Vieux Huê », dont le bulletin fut vite réputé et qui reste, aujourd’hui encore, une mine incomparable d’informations sur cette ville et sur l’histoire de la culture du Vietnam (2). L’exposé du P. Jean-Baptiste Etcharren, prononcé en vietnamien, avait pris pour titre: « Léopold Cadière, image d’un missionnaire et conseils pour les nouvelles générations missionnaires ». L’ancien supérieur des Missions Etrangères de Paris s’est appliqué à montrer comment la foi et la vie spirituelle ont été les fondements des choix et des activités du P. Cadière.
Dans l’après-midi du deuxième jour et durant le troisième jour, de nombreux exposés se sont succédé, émanant de prêtres, d’écrivains, d’érudits, de spécialistes en linguistique ou en anthropologie, dont beaucoup n’étaient pas catholiques. Il est malheureusement impossible de relater ici le contenu de toutes ces conférences (3), parmi lesquelles celle du P. Gérard Moussay (MEP), qui a été lue en l’absence de son auteur retenu en France. Elles ont fait découvrir l’étendue des connaissances et des recherches du P. Cadière, mais aussi la richesse et la profondeur de cette culture vietnamienne qui a fasciné le missionnaire.
(1) Voir EDA 512, 513
(2) L’œuvre du P. Léopold Cadière est fort importante. La bibliographie rédigée par le service des archives des Missions Etrangères de Paris (« Dossier Cadière ») comporte neuf pages de titres. Une grande partie de sa production a été publiée sous forme d’articles dans diverses revues scientifiques, telles le Bulletin de l’Ecole française d’Extrême-Orient, le Bulletin des amis du Vieux Huê, Anthropos, etc. Beaucoup de ces textes ont été rassemblés dans les trois volumes de l’ouvrage intitulé: Croyances et pratiques religieuses des Vietnamiens, Hanoi, Imprimerie d’Extrême-Orient, 1944-57.
(3) On peut déjà trouver le texte original en vietnamien de nombre des conférences prononcées pendant le colloque sur le site de l’archidiocèse de Huê à l’adresse suivante: http://tonggiaophanhue.net/
(Source: Eglises d'Asie, 10 septembre 2010)