Le 2 avril 2013 a débuté le procès de M. Doan Van Vuon et de ses frères qui avaient défendu leurs biens, les armes à la main, lors d’une opération d’expropriation illégale menée par les autorités régionales à Tiên Lang, près de Hai Phong. Ils sont jugés par le Tribunal populaire de Hai Phong pour homicide. Les épouses des deux principaux accusés de ce procès comparaîtront dans quelques jours devant le même tribunal pour « opposition à des agents du gouvernement dans l’exercice de fonctions ».
L’annonce de ces procès, le 18 mars dernier, avait soulevé une grande vague de réprobation, non seulement dans la région où s’était déroulée l’affaire, mais aussi dans tout le pays. Des pétitions en faveur des accusés ont recueilli en quelques jours des dizaines de milliers de signatures. La plus remarquable de ces interventions est certainement une lettre rédigée conjointement par l’évêque du diocèse de Hai Phong, Mgr Joseph Vu Van Thiên, et par le président de la Commission nationale ‘Justice et Paix’, Mgr Paul Nguyên Thai Hop, suivie de leurs deux signatures. L’évêque de Hai Phong avait, dès le début de l’affaire, soutenu la cause de M. Doan Van Vuon dans une lettre qu’il avait rendue publique.
Après avoir résumé toute l’affaire, les deux évêques déconstruisent, les unes après les autres, les accusations portées contre les accusés, tout en soulignant le caractère illégal de l’expropriation forcée du terrain et de l’entreprise de M. Vuon. Pour les deux évêques, l’innocence des accusés est totale et une seule solution s’impose: leur libération immédiate.
La rédaction d’Eglises d’Asie a traduit en français le texte vietnamien de cette lettre qui est datée du 29 mars 2013.
Au Tribunal populaire de la ville de Hai Phong.
Après avoir reçu le communiqué de la décision fixant la date du procès ainsi qu’un appel à l’aide du représentant de la famille de Doan Van Vuon en date du 26 mars 2013, nous avons pensé que nous manquerions à nos devoirs si nous ne vous envoyions pas cette lettre, qui marque notre accord avec l’opinion publique.
L’affaire est longue et comporte des éléments fort complexes. Cependant, on a pu suivre facilement son déroulement partout grâce aux mass médias. Son contenu est simple: un pisciculteur, Doan Van Vuon, qui avait vu ses plaintes auprès des diverses autorités rester sans solution satisfaisante, s’est opposé, avec ses proches, à l’expropriation forcée et illégale de son exploitation ordonnée par les autorités régionales afin de sauvegarder les constructions édifiées par lui. Son entreprise était le fruit de sa sueur, de ses efforts, et de celle de ses proches, pendant des dizaines d’années consacrées à l’élevage des poissons et des crustacés. Ils y avaient été invités par les autorités elles-mêmes qui les avaient encouragés à défricher la région.
L’opinion publique au Vietnam et dans le monde ainsi que de nombreux hauts dirigeants du pays ont sympathisé avec M. Vuon et ses frères et soutenu leur juste cause. Dans le même temps, ils ont condamné la violence des autorités du district de Tiên Lang et de la commune de Vinh Quang. Celles-ci ont appliqué la loi d’une façon erronée, outrepassant leur droit en recourant à la violence, en mobilisant du personnel pour s’emparer d’un terrain, propriété légale d’un citoyen et propriété garantie par la loi. Cela a été affirmé vigoureusement par le Premier ministre lui-même, lors d’une réunion portant sur cette expropriation forcée, à laquelle ont participé de nombreux organismes et services, le 10 février 2012: « La décision de récupérer le terrain n’étant pas conforme aux dispositions de la loi sur les terres, il s’ensuit que la décision d’expropriation forcée n’est pas conforme à la loi. Par ailleurs, l’organisation de la récupération forcée de terrains par le Comité populaire du district de Tiên Lang est entachée de nombreuses irrégularités et erreurs. »
Malgré cela, la Sécurité de la ville de Hai Phong a ouvert une instruction contre les membres de la famille de M. Vuon, les a arrêtés ou assignés à résidence pour le temps de l’enquête. Le 4 janvier 2013, le Parquet de Hai Phong a rendu public un acte d’accusation très lourd contre M. Vuon et ses frères. Plus particulièrement, le 18 mars 2013, le Tribunal populaire de Hai Phong a annoncé que l’affaire allait être jugée. Selon cette décision, les quatre membres de la famille M. Vuon (…) sont l’objet de poursuites judiciaires de la part du Parquet populaire de Hai Phong pour homicide, tel qu’il est défini à l’article 93, paragraphe 1, alinéa d, du Code pénal. Ils seront jugés du 2 au 5 avril 2013 par le Tribunal populaire de Hai Phong. Quant à Mme Pham Thi Ban et Mme Nguyên Thi Thuong (épouses des deux principaux accusés), des poursuites sont engagées contre elle par le Parquet populaire pour s’être opposées à un agent dans l’exercice de ses fonctions, infraction définie à l’article 257, paragraphe 2, alinéa d du Code pénal. Elles seront jugées du 8 au 10 avril 2013 par le Tribunal populaire de Hai Phong.
Cette fois-ci, l’opinion publique constate qu’une famille est jetée en prison pour s’être opposée à des agissements illégitimes. Une famille est poursuivie et jugée en vertu d’une loi sur les terrains qui ne donne satisfaction à personne et surtout à la suite d’une opération menée au mépris de tous les règlements par les autorités régionales. Comment l’opinion publique pourrait-elle considérer que cette famille est poursuivie pour de justes motifs ? La vérité est celle-ci: des paysans sans malice ont été acculés le dos au mur et ils ont pensé qu’ils ne pouvaient compter que sur leurs propres forces pour s’opposer à une opération illégale menée par des intrus et pour sauvegarder cette portion de terrain qu’ils avaient arrosée de leur sueur et fertilisée par leurs efforts pendant plus de vingt ans.
Pourra-t-on accepter qu’une sentence soit prononcée sur la base d’un acte d’accusation qui ne respecte pas la réalité, dépourvu d’arguments juridiques et ne tenant aucun compte de l’opinion commune ? Nous proposons que le Tribunal populaire de la ville de Hai Phong ainsi que les principaux responsables laissent parler la justice. Qu’ils s’enracinent dans le peuple pour le protéger, pour protéger la justice.
Il est donc nécessaire de libérer les membres de la famille de M. Vuon (NdT: souligné dans le texte), car ceux-ci n’ont pas commis le crime d’homicide tel qu’il est défini à l’alinéa d du paragraphe 1 de l’article 93 du Code pénal. Ils ne sont pas non plus coupables de s’être opposés à des agents dans l’exercice de leur fonction, crime décrit à l’article 257, paragraphe 2, alinéa d, du Code pénal. Car, comme il a été dit plus haut, selon les conclusions d’une enquête d’un organisme gouvernemental, publiées le 10 février 2012, la décision de récupérer le terrain n’étant pas conforme aux dispositions prévues par la loi, la confiscation forcée du terrain était elle-même contraire à la loi. Le fait que cette récupération forcée a été commandée et exécutée par les dirigeants du district de Tiên Lang constitue une grave violation de la loi, un abus de fonction et de pouvoir portant atteinte aux biens et aux intérêts légitimes d’un citoyen, obligeant les autorités du district de Tiên Lang à indemniser la famille de M. Doan Van Vuong – indemnisations qui ont d’ailleurs été réellement versées.
Ainsi, l’expropriation forcée menée par les autorités du district de Tiên Lang étant une violation de la loi, par nature, elle ne peut plus être considérée comme ayant été menée dans « l’exercice de fonctions légitimes ». En outre, le fait que les forces engagées dans cette opération aient été illégalement équipées d’armes pour porter atteint aux intérêts légitimes d’un citoyen est d’une extrême gravité. Les précautions prises par les membres de la famille de Doan Van Vuon en enterrant des explosifs rudimentaires autour de leur jardin et en s’équipant de fusil de chasse avaient pour objectif légitime l’autodéfense (Cf. le paragraphe 1 de l’article 15 du Code pénal), la protection de leur vie et des intérêts légitimes de leur famille. Cette autodéfense n’a pas, semble-t-il, dépassé les limites, car en réalité elle n’a pas entraîné de conséquences graves pour la vie de ceux qui étaient « des intrus ».
Il est donc clair que M. Doan Van Vuon et les membres de sa famille, pour la protection de leurs intérêts légitimes, se sont défendus contre des personnes qui, en infraction avec la loi, portaient atteinte à leurs intérêts légitimes de citoyen. Cette autodéfense, en elle-même, n’est pas un crime. Elle est autorisée par la loi du Vietnam et le droit international.
Ils doivent donc être libérés et recevoir une indemnité convenable. (NdT: souligné dans le texte)
Nous proposons donc au Tribunal populaire de la ville de Hai Phong, en tant qu’unique organisme ayant compétence pour juger de façon indépendante des autres organes de l’Etat, de faire œuvre objective au cours de ce procès en première instance, et de se conformer à l’esprit qui anime la réforme de la Constitution que le Vietnam s’efforce d’améliorer. (…).
(Ce texte est suivi de la signature de Mgr Paul Nguyên Thai Hop, président de la Commission épiscopale ‘Justice et Paix’, et de celle de l’évêque du diocèse de Hai Phong, Mgr Joseph Vu Van Thiên).
(Source: Eglises d'Asie, 2 avril 2013)
Après avoir résumé toute l’affaire, les deux évêques déconstruisent, les unes après les autres, les accusations portées contre les accusés, tout en soulignant le caractère illégal de l’expropriation forcée du terrain et de l’entreprise de M. Vuon. Pour les deux évêques, l’innocence des accusés est totale et une seule solution s’impose: leur libération immédiate.
La rédaction d’Eglises d’Asie a traduit en français le texte vietnamien de cette lettre qui est datée du 29 mars 2013.
Au Tribunal populaire de la ville de Hai Phong.
Après avoir reçu le communiqué de la décision fixant la date du procès ainsi qu’un appel à l’aide du représentant de la famille de Doan Van Vuon en date du 26 mars 2013, nous avons pensé que nous manquerions à nos devoirs si nous ne vous envoyions pas cette lettre, qui marque notre accord avec l’opinion publique.
L’affaire est longue et comporte des éléments fort complexes. Cependant, on a pu suivre facilement son déroulement partout grâce aux mass médias. Son contenu est simple: un pisciculteur, Doan Van Vuon, qui avait vu ses plaintes auprès des diverses autorités rester sans solution satisfaisante, s’est opposé, avec ses proches, à l’expropriation forcée et illégale de son exploitation ordonnée par les autorités régionales afin de sauvegarder les constructions édifiées par lui. Son entreprise était le fruit de sa sueur, de ses efforts, et de celle de ses proches, pendant des dizaines d’années consacrées à l’élevage des poissons et des crustacés. Ils y avaient été invités par les autorités elles-mêmes qui les avaient encouragés à défricher la région.
L’opinion publique au Vietnam et dans le monde ainsi que de nombreux hauts dirigeants du pays ont sympathisé avec M. Vuon et ses frères et soutenu leur juste cause. Dans le même temps, ils ont condamné la violence des autorités du district de Tiên Lang et de la commune de Vinh Quang. Celles-ci ont appliqué la loi d’une façon erronée, outrepassant leur droit en recourant à la violence, en mobilisant du personnel pour s’emparer d’un terrain, propriété légale d’un citoyen et propriété garantie par la loi. Cela a été affirmé vigoureusement par le Premier ministre lui-même, lors d’une réunion portant sur cette expropriation forcée, à laquelle ont participé de nombreux organismes et services, le 10 février 2012: « La décision de récupérer le terrain n’étant pas conforme aux dispositions de la loi sur les terres, il s’ensuit que la décision d’expropriation forcée n’est pas conforme à la loi. Par ailleurs, l’organisation de la récupération forcée de terrains par le Comité populaire du district de Tiên Lang est entachée de nombreuses irrégularités et erreurs. »
Malgré cela, la Sécurité de la ville de Hai Phong a ouvert une instruction contre les membres de la famille de M. Vuon, les a arrêtés ou assignés à résidence pour le temps de l’enquête. Le 4 janvier 2013, le Parquet de Hai Phong a rendu public un acte d’accusation très lourd contre M. Vuon et ses frères. Plus particulièrement, le 18 mars 2013, le Tribunal populaire de Hai Phong a annoncé que l’affaire allait être jugée. Selon cette décision, les quatre membres de la famille M. Vuon (…) sont l’objet de poursuites judiciaires de la part du Parquet populaire de Hai Phong pour homicide, tel qu’il est défini à l’article 93, paragraphe 1, alinéa d, du Code pénal. Ils seront jugés du 2 au 5 avril 2013 par le Tribunal populaire de Hai Phong. Quant à Mme Pham Thi Ban et Mme Nguyên Thi Thuong (épouses des deux principaux accusés), des poursuites sont engagées contre elle par le Parquet populaire pour s’être opposées à un agent dans l’exercice de ses fonctions, infraction définie à l’article 257, paragraphe 2, alinéa d du Code pénal. Elles seront jugées du 8 au 10 avril 2013 par le Tribunal populaire de Hai Phong.
Cette fois-ci, l’opinion publique constate qu’une famille est jetée en prison pour s’être opposée à des agissements illégitimes. Une famille est poursuivie et jugée en vertu d’une loi sur les terrains qui ne donne satisfaction à personne et surtout à la suite d’une opération menée au mépris de tous les règlements par les autorités régionales. Comment l’opinion publique pourrait-elle considérer que cette famille est poursuivie pour de justes motifs ? La vérité est celle-ci: des paysans sans malice ont été acculés le dos au mur et ils ont pensé qu’ils ne pouvaient compter que sur leurs propres forces pour s’opposer à une opération illégale menée par des intrus et pour sauvegarder cette portion de terrain qu’ils avaient arrosée de leur sueur et fertilisée par leurs efforts pendant plus de vingt ans.
Pourra-t-on accepter qu’une sentence soit prononcée sur la base d’un acte d’accusation qui ne respecte pas la réalité, dépourvu d’arguments juridiques et ne tenant aucun compte de l’opinion commune ? Nous proposons que le Tribunal populaire de la ville de Hai Phong ainsi que les principaux responsables laissent parler la justice. Qu’ils s’enracinent dans le peuple pour le protéger, pour protéger la justice.
Il est donc nécessaire de libérer les membres de la famille de M. Vuon (NdT: souligné dans le texte), car ceux-ci n’ont pas commis le crime d’homicide tel qu’il est défini à l’alinéa d du paragraphe 1 de l’article 93 du Code pénal. Ils ne sont pas non plus coupables de s’être opposés à des agents dans l’exercice de leur fonction, crime décrit à l’article 257, paragraphe 2, alinéa d, du Code pénal. Car, comme il a été dit plus haut, selon les conclusions d’une enquête d’un organisme gouvernemental, publiées le 10 février 2012, la décision de récupérer le terrain n’étant pas conforme aux dispositions prévues par la loi, la confiscation forcée du terrain était elle-même contraire à la loi. Le fait que cette récupération forcée a été commandée et exécutée par les dirigeants du district de Tiên Lang constitue une grave violation de la loi, un abus de fonction et de pouvoir portant atteinte aux biens et aux intérêts légitimes d’un citoyen, obligeant les autorités du district de Tiên Lang à indemniser la famille de M. Doan Van Vuong – indemnisations qui ont d’ailleurs été réellement versées.
Ainsi, l’expropriation forcée menée par les autorités du district de Tiên Lang étant une violation de la loi, par nature, elle ne peut plus être considérée comme ayant été menée dans « l’exercice de fonctions légitimes ». En outre, le fait que les forces engagées dans cette opération aient été illégalement équipées d’armes pour porter atteint aux intérêts légitimes d’un citoyen est d’une extrême gravité. Les précautions prises par les membres de la famille de Doan Van Vuon en enterrant des explosifs rudimentaires autour de leur jardin et en s’équipant de fusil de chasse avaient pour objectif légitime l’autodéfense (Cf. le paragraphe 1 de l’article 15 du Code pénal), la protection de leur vie et des intérêts légitimes de leur famille. Cette autodéfense n’a pas, semble-t-il, dépassé les limites, car en réalité elle n’a pas entraîné de conséquences graves pour la vie de ceux qui étaient « des intrus ».
Il est donc clair que M. Doan Van Vuon et les membres de sa famille, pour la protection de leurs intérêts légitimes, se sont défendus contre des personnes qui, en infraction avec la loi, portaient atteinte à leurs intérêts légitimes de citoyen. Cette autodéfense, en elle-même, n’est pas un crime. Elle est autorisée par la loi du Vietnam et le droit international.
Ils doivent donc être libérés et recevoir une indemnité convenable. (NdT: souligné dans le texte)
Nous proposons donc au Tribunal populaire de la ville de Hai Phong, en tant qu’unique organisme ayant compétence pour juger de façon indépendante des autres organes de l’Etat, de faire œuvre objective au cours de ce procès en première instance, et de se conformer à l’esprit qui anime la réforme de la Constitution que le Vietnam s’efforce d’améliorer. (…).
(Ce texte est suivi de la signature de Mgr Paul Nguyên Thai Hop, président de la Commission épiscopale ‘Justice et Paix’, et de celle de l’évêque du diocèse de Hai Phong, Mgr Joseph Vu Van Thiên).
(Source: Eglises d'Asie, 2 avril 2013)